Contre le postulat d'une vérité in abstracto du Contrat social, contre des lectures qui l'envisagent au seul miroir de la tourmente révolutionnaire et minimisent son impact avant 1789, ce livre montre comment dès sa parution en 1762, le Contrat social a été justiciable de lectures diverses, inattendues et opposées au hasard des crises politiques de l'Ancien Régime et des groupes sociaux ou intellectuels concernés: lectures paradoxales des parlementaires, réfutations dévotes, recueils d'extraits qui travaillent sa forme et (...) son sens, utilisation sommaire et sans doute efficace dans les almanachs populaires...Les premières années de la Révolution montreront d'autres investissements du Contrat social autour des débats sur la déclaration des droits, le veto, la contestation même de l'ordre monarchique et lui ouvriront des espaces nouveaux: la presse, les pamphlets, l'écriture de l'évènement...A travers ces exemples répertoriés, une réflexion ici s'organise sur l'idéologie en travail d'une oeuvre vivante, inscrite dans le mouvement, les tensions et les contradictions d'une histoire politique et sociale. (shrink)

Revisite à la lumière de nouvelles recherches ce texte fondateur de la démocratie, objet de scandale lors de sa parution, puis consacré par la Révolution française.

A controversial issue in Rousseau’s philosophy is the relationship between the people as a whole, who want the good but cannot see it, and individuals, who see the good but do not want it. This predicament has to be overcome by the Legislator, whose characteristics seem however to be inconsistent with the theory propounded in the first book of the Contrat Social. The aim of this paper is to contribute to the current debate by exploring three possible functions (...) of this key figure, which are 1. to formulate the content of constitutional law; 2. to make the people aware of their sovereignty by bringing to light the rules underlining the social contract; 3.to mediate between the political and the socio-economic sphere, that is between the sovereign people’s efforts to bring about the general will and individuals’ efforts to advance their own particular interest. Being structurally different from the first two, this last hypothesis need not be seen as conflicting with either of them. (shrink)

Pourquoi les lecteurs du Contrat social devraient-ils s’intéresser au chapitre consacré aux comices romains? Dans ce texte encore souvent négligé, à tort, Rousseau s’appuie sur les sources historiques les plus fiables de son temps, notamment Carlo Sigonio, pour se confronter à un problème central de sa philosophie politique : la mise en pratique durable et effective de l’intérêt commun. En termes moins théoriques, il pose une question toujours d’actualité : comment le peuple peut-il participer à la vie publique? (...) Et comment cette intervention populaire dans la politique peut-elle s’effectuer de manière à garantir le maintien d’un gouvernement républicain, c’est-à-dire non assujetti à des intérêts particuliers? Lire ce chapitre à la lumière du récent ouvrage Res publica permet d’en voir encore plus nettement les enjeux théoriques, du fait des convergences saisissantes que l’on peut remarquer entre l’analyse de Rousseau et celle de Claudia Moatti. L’article étudie notamment les occurrences de l’expression « chose publique » dans le Contrat social afin d’éclairer la coexistence de deux conceptions distinctes de la « république » chez Rousseau, l’une définie principalement par le droit de vote des citoyens, l’autre par l’impératif de défendre l’État. Or, ces deux visions correspondent à l’antagonisme que Claudia Moatti observe dans l’histoire romaine. Étudier aujourd’hui l’usage de l’histoire ancienne dans la pensée politique de Rousseau, c’est poser la question toujours actuelle de la compatibilité possible entre ces deux idées de la République. (shrink)

In his 'Contrat social', § 2.1, Jean-Jacques Rousseau argues that the general will alone can steer the forces of the state towards the end for which it was instituted, i.e., the common good. The argument's logical structure is more intricate than it seems at first glance. And the intricacy appears to be deliberate. Rousseau's authorial strategy is designed to evoke the reader's voice in articulating the fundamentals of politics.

Consider the following two seemingly unrelated questions. First, why does Rousseau (1993 [1762]) believe that the formation of factions or partial associations is not conducive to the general will in Du Contrat Social, II, 3? Second, why do federal assemblies typically strive for some form of degressive proportionality, i.e. a balance between equal and proportional representation, for the countries in the federation? We will show that there is a surprising connection between these questions. We turn to our first (...) question. It is often thought that Rousseau’s opposition to factions can be interpreted in reference to the Condorcet Jury Theorem. The Condorcet Jury Theorem states that if voters are more likely to be right on some issue than not and cast their votes independently, then the chance that the majority is correct converges to one as the number of voters goes to infinity. This interpretation is tempting, but it is inconsistent with some crucial textual evidence. We turn to our second question. Consider a federation of countries with a decision-making assembly in which each country casts a block vote. On equal representation, the vote of each country has the same weight. On proportional representation, the weights of the votes are proportional to the countries’ population sizes. In between these extremes, we can let the weights increase as a function of population sizes, but smaller countries receive greater weights and larger countries receive lesser weights than proportionality would warrant. Such weightings are called degressively proportional weightings. How can degressive proportionality be justified? And does this justification provide us any guidance as to how these weights should be set? A correct understanding of Rousseau’s misgivings about the formation of factions will hold the key to these questions. (shrink)

Cet article s’intéresse au Contrat social de Rousseau afin d’examiner si cet ouvrage permet de penser une révolte populaire contre l’État et, si oui, à quelles conditions. Dans cette perspective, nous nous concentrons principalement sur quelques détails apparemment marginaux : l’oscillation, par exemple, entre une conception de la « crise » comme occasion de régénération ou de renaissance de l’État ; l’hésitation entre une conception des mœurs et des coutumes comme formant le cœur de la législation et qui (...) garantit la survivance du corps en deçà de la condition de mort apparente engendrée par les conflits, et une conception dans laquelle ces mœurs et ces coutumes s’avèrent constituer le résultat du conflit lui-même ; l’indécision entre une définition de la légitimité politique comme entièrement réabsorbée par la simple légalité et une autre où cette légitimité déborde toutes les formes et les limitations légales. De cette façon, l’article met en évidence la présence, dans le Contrat lui-même, de deux logiques opposées. D’une part, une logique d’après laquelle toute séparation entre le peuple et l’État disparaît. Dans cette perspective, tout contraste entre les deux pôles est inconcevable, et ce qui à première vue semble être une révolte du peuple contre l’État doit être lu comme une intervention du souverain visant à rétablir l’ordre légitime violé. D’autre part, une logique qui admet au contraire une relative autonomie du peuple par rapport aux institutions établies, et qui par là même permet de penser un conflit entre les deux pôles. (shrink)

Cette contribution se propose d’étudier la manière dont Durkheim s’est réapproprié la philosophie de Rousseau. Le fondateur, après Auguste Comte, de la sociologie en France adopte une attitude ambivalente à l’égard de l’auteur du second Discours et du Contrat social : d’un côté, l’hommage rendu à celui qui a pensé la genèse empirique des rapports sociaux ; de l’autre, la critique de l’artificialisme du penseur du contrat. C’est entre ces deux limites qu’il faudra situer la réappropriation durkheimienne (...) de Rousseau, qui est une reconstruction et une réactualisation : la question de la genèse du sujet collectif est au cœur de leur dialogue posthume. Cette contribution reviendra donc sur l’interprétation durkheimienne du second Discours, ainsi que sur sa lecture du manuscrit de Genève. Il s’agira de montrer par quelle subtile distorsion du texte Durkheim parvient à imposer son exégèse de Rousseau et à en faire l’ancêtre de l’idée de « règne social », et de cerner comment la lecture durkheimienne du Contrat social procède à une réinterprétation originale de la théorie de la « volonté générale » dans des termes sociologiques. (shrink)

La théorie politique de Condillac est contenue dans sa conception de l’histoire, et toutes deux se distinguent de la philosophie de Rousseau. On ne devrait pas croire, pour autant, que la position caractéristique de Condillac soit celle d’un « modéré » pur et simple. On peut douter que Condillac ait jamais envisagé une révolution complète de la société et de la politique françaises. Il est certain, en revanche, qu’il a jugé possible et même souhaitable une réforme assez radicale des principes (...) politiques de l’Ancien Régime, suggérant rien de moins que la démolition de son principal pilier, l’absolutisme de droit divin. Il se démarqua aussi de la théorie du contrat social soutenue par Rousseau. Invoquée par celui‑ci afin d’établir l’« égalité morale et légitime » à la place des inégalités physiques ou de talents, la théorie du contrat social se propose chez Condillac plutôt comme une doctrine « libérale », au sens classique de ce mot à l’âge des Lumières, que « démocratique » dans le sens du philosophe de Genève. (shrink)

La situation desastreuse que vit le continent africain sur plusieurs plans est, en grande partie, la consequence de l'instabilite et de l'incoherence de son referent paradigmatique, contenu dans le binome justice-solidarite. A quels facteurs cette situation tient-elle, et a quels obstacles l'Afrique est-elle confrontee dans son aspiration a devenir un espace de plus de droit, de plus de justice sociale et de solidarite? Par ailleurs, de quels modeles peut-elle s'inspirer pour realiser ce projet et defier toute velleite d'afro-pessimisme?<BR> Ces questions (...) evoquent non seulement un probleme de vision de la societe, mais aussi de l'homme tel que le soulignent John Rawls et Philippe Van Parijs. Cet ouvrage s'efforce de degager cette double vision et d'en legitimer la pertinence pour la nouvelle societe africaine a construire moyennant un dispositif contractuel.". (shrink)