Is the phenomenological concept of “body” not, in general, an ideal? The purpose of this article is to defend this thesis within the scope of the French phenomenological tradition. The French phenomenological concept of “lived body” points to an ideal, rather than to our actual experience of the body; and this ideal is none other than that of the soul. The Cartesian ideal of the soul becomes, in the French phenomenological tradition, the ideal of the body—of a body that is (...) determined, in return, by the soul’s properties. The French concept of “lived body” results indeed from two forms of idealization that will be exposed successively: the epistemological idealization that consists in attributing, to the body, the soul’s mode of knowledge as a cogito; the practical idealization that consists in attributing, to the body, the soul’s mode of power and action as an unlimited will. This twofold gesture finds its paradigmatic expression in Michel Henry’s phenomenology of the body, but can also be seen at work in Sartre, Ricœur and Merleau-Ponty. (shrink)

Dans Le deuxième sexe, Beauvoir affirme que « la femme, comme l’homme, est son corps : mais [que] son corps est autre chose qu’elle ». Apparaît dans cette phrase, comme dans l’histoire de la phénoménologie, l’espace d’une déhiscence au sein du corps vécu. Être son corps n’impliquerait pas que le corps soit entièrement soi – et le corps vécu, dès lors, ne serait plus un corps propre. D’où la question que nous tâcherons ici de déployer : l’aliénation au sein du (...) corps vécu n’est-elle pas la condition même de sa manifestation comme corps matériel? Nous tâcherons, dans un premier temps, de remonter à la source du concept de « corps propre » (Leib) chez les postkantiens, afin de montrer que le corps n’apparaît comme « propre », dans l’histoire de la philosophie, qu’en disparaissant comme « corps ». Ce qui nous conduira, dans un second temps, à interroger la (ré-) apparition du corps dans Le deuxième sexe, et plus précisément dans la description que Beauvoir fait du cycle menstruel. (shrink)

Cet article entend faire se confronter deux fameux motifs de la tradition phénoménologique inaugurés par Husserl et développés par Merleau-Ponty : (1) le motif du « je peux » comme mode distinctif du corps propre (Leib) ; (2) et le motif de l’intercorporéité comme mode originaire de l’intersubjectivité. L’intercorporéité implique-t-elle le « je peux » comme unique mode de la corporéité? « Tout ce que je vois par principe est à ma portée, écrit Merleau-Ponty, du moins à la portée de (...) mon regar... (shrink)

Dans « La philosophie et l’éveil », Levinas nous invite à penser une « rationalité dans un autre sens ». En chacun de ses termes, cette expression ouvre avec l’œuvre de Merleau-Ponty un espace de résonance, dessinant différents niveaux de profondeur et n’engageant rien de moins finalement qu’une commune conception de la raison. Il y est d’abord question d’une raison autre qui remonte, chez Levinas, à la « rationalité première » de Totalité et infini et fait écho aux nombreuses mentions (...) par Merleau-Ponty d’une rationalité nouvelle. Il y est ensuite question du sens de la raison : de ce « sens » qui, en deçà des mots, s’éprouve à même l’épaisseur charnelle de la sensibilité. Et ce sens de la raison est autre finalement, défini par son altérité même, comme « écart » ou « différence ». Reste alors à penser cet « écart » qui, de Merleau-Ponty à Levinas, n’a pas le même sens et depuis lequel il sera seulement possible de redéfinir en conclusion cet autre sens de la raison. (shrink)

Les phénoménologues français s’accordent généralement avec Merleau-Ponty pour lire, dans les Ideen II de Husserl, une « réhabilitation ontologique du sensible » de par l’importance accordée au « corps propre » [ Leib ] dans la constitution de la nature matérielle. La présente étude se propose de relativiser cette lecture en interrogeant le caractère sensible de ce concept de « corps ». Le corps propre, constitué par l’âme sensible dans la seconde section, est défini comme le siège de sensations immatérielles (...) ; constitué par l’âme spirituelle dans la troisième section, il est défini comme l’objet de la conscience et comme l’organe de la volonté. Les définitions du corps propre qui résultent de sa double constitution ne dénotent‑elles pas dès lors des propriétés spirituelles, empruntées à l’âme elle-même? (shrink)

This article presents itself as an attempt to explain Proust’s expression, “The matter of experience”, from Husserl’s concept of Materie in the Logical Investigations. This Husserlian concept will enable us to rethink the “matter” of experience, as being both intrinsically determined and intrinsically “relational”. Husserl uses this concept of Materie in two main senses. In the fifth Logical Investigation, it is used in order to define the “content” of the act and this concept will be explained in its own equivocation, (...) as it both means the direction of the act and the ideal “signification” which prescribes this very determination. The concept of Materie is also used in the third Logical Investigation to designate the “content” of the object, and will also be explained in its own equivocation, as it both means the individual determination of the object and its essential determination. In the last part of this study, a few of the difficulties which are brought by this double equivocation of Husserl’s concept of Materie will be exposed, and a few programmatic solutions for its redefinition as the unique “matter” of our experience, will be proposed. This investigation might eventually imply a definition of phenomenology itself, as the very experience of this matter. (shrink)

Introduction Quel concept de « corps » permet de penser le sexe et le genre? En réponse à cette question, ce texte entend faire état d’une insatisfaction face à l’alternative contemporaine qui oppose ces deux concepts de « corps » : le « corps propre » de la phénoménologie et le « corps-effet » du constructivisme. Lorsqu’il en va du sexe et du genre, ces deux concepts de « corps » tiennent leur intérêt d’un même refus : du refus d’un (...) réductionnisme biologique consistant à réduire le corps à... (shrink)

In the article “Levinas: sensibility or reason’s life”, Paulo Lorelle proposes to enlighten Levinas’ ambition of an enlargement of reason. Indeed, through the prism of this declaration, appears in Levinas’ work the constant equivocity of the concepts of “reason” and “rationality” thus divided into a “suspect reason” — that negates alterity — and a “new reason” that arises from alterity. One will here consider this enlargement of reason from Levinas’ later work, in terms of a “sensibilization”. If Totalité et infini (...) already contains a significant number of references to this other rationality, this latter still unfolds beyond sensibility. This new rationality appears on the contrary in Autrement qu’être, as a sensible reason. And, in texts from the 70s published in De Dieu qui vient à l’idée and Entre nous, Levinas conceives reason’s sensibilization in terms of a wakefulness (éveil). So that the equivocity of the concept of “reason” now points to two different moments of one and the same process — a process of lethargy and wakefulness, of insensibilization and sensibilization of reason. (shrink)

Cette étude se propose de traiter du problème de l’intersubjectivité tel qu’il peut être posé à nouveaux frais par une lecture de la Sixième Méditation cartésienne. Ce, du point de vue de deux de ses principales contributions méthodologiques: depuis la radicalisation égologique et intersubjective du procédé de la réduction, et depuis l’extension de la tâche constitutive au-delà de la seule donnée intuitive. La première partie de cette étude, du point de vue de la radicalisation finkéenne de la réduction, entend faire (...) apparaître la tension qui travaille à même la Sixième Méditation entre, d’une part, l’exigence transcendantale de la réduction qui est celle d’une dés-implication esseulante de l’ego, et d’autre part, la reconnaissance d’une intersubjectivité qui, venant s’immiscer jusque dans les couches dernières de la vie transcendantale réduite, marquerait la réduction du sceau de son essentiel inachèvement. La seconde partie de cette étude, du point de vue de l’extension finkéenne de la tâche constitutive et du projet d’une phénoménologie constructive, porte sur la possibilité pour la constitution de révéler l’intersubjectivité, voire l’altérité elle-même, comme horizon externe non intuitivement donné de la constitution, et résistant à toute donation intuitive. Le procédé de la réduction et la tâche de la constitution ainsi radicalisés révèlent alors leurs propres limites, permettant par là même d’ouvrir à la possibilité d’une nouvelle pensée de l’intersubjectivité comme ce qui les précède et les excède toujours déjà – comme l’horizon irréductible de toute réduction, l’horizon impossédable de toute constitution. (shrink)

Le sens dépend-il de la sensibilité? De quelle manière ou en quel sens? La phénoménologie reconnaît au sens une part de sensibilité, contre la thèse de son autonomie. Le sens ne serait pas un phénomène de connaissance, ni un phénomène de langage, mais un phénomène sensible : un contenu de perception, propre au rapport que le corps sentant entretient au monde senti. Nos discours, nos actes et nos existences perdraient alors leur sens à mesure qu’ils s’autonomisent et se trouvent partiellement (...) privés de leur dimension sensible, corporelle et mondaine. Mais cette thèse ne s’impose pas d’un seul tenant dans l’histoire de la phénoménologie. De l’autonomie à la sensibilité et de la sensibilité à l’autonomie, l’analyse phénoménologique du sens implique chaque fois des régressions qui, en retour, ouvrent de nouvelles avancées. C’est ce mouvement que cet ouvrage se propose de retracer, de Husserl à la phénoménologie française, via les principales conceptions du sens qui s’y trouvent développées. (shrink)

Sensibility has traditionally been defined as a relation with the world’s exteriority. However, a certain post-husserlian phenomenology tends to reverse this definition and to redefine sensibility as an internal relation that takes place from within the world. This article focuses on this phenomenological concept of “sensibility” in Levinas and Merleau-Ponty and intends to show that this concept rests upon the presupposition of an alternative according to which we would have whether a sensible experience of identity, or an acosmic experience of (...) otherness—whether a wordly experience of the same or a worldless experience of otherness. Yet, by reducing sensibility to the experience of the world’s interiority and rejecting otherness beyond any worldly experience, this conception fails to account for a significant dimension of sensibility—namely, sensibility as the experience of the world’s own otherness, foreignness or exteriority. It is our hope that, from the critical exposition of this alternative, will eventually appear in conclusion the significant part of this forgotten dimension of sensibility. (shrink)