Emotions et connaissance
Abstract
Quel est le lien entre les émotions et la connaissance ? Selon une idée répandue, la réponse s’impose avec évidence : les émotions sont en rapport avec la connaissance dans la seule mesure où elles y font obstacle. Leur caractère disruptif, envahissant et sélectif empêcherait de raisonner correctement ou de poser un regard englobant et objectif sur les situations auxquelles nous faisons face. Je souhaite soutenir l’idée opposée, à savoir que les émotions permettent à ceux qui les ressentent d’entrer en relation avec certaines valeurs. L’hypothèse est, plus précisément, la suivante : les émotions constituent une voie épistémique privilégiée vers la connaissance des valeurs. Il conviendra bien sûr d’élucider le sens dans lequel une émotion peut constituer ou conduire à une forme de connaissance évaluative. J’aborderai ce problème à travers la notion de justification en répondant à la question : qu’est-ce qu’une émotion justifiée ? Après avoir considéré les raisons de ressentir une émotion – d’abord, dans la section 2, les raisons liées à la prise en compte de certains aspects de l’environnement (les « bases cognitives des émotions ») puis, dans la section 3, celles liées aux besoins, désirs et dispositions affectives (leurs « bases motivationnelles ») – je serai alors en mesure, dans la section 4, d’expliquer en quoi les émotions constituent une voie privilégiée vers la connaissance des valeurs. Toutefois, avant de m’aventurer sur ces terres épistémologiques, je souhaite dire quelques mots à propos du genre de conception des émotions qui sous-tend ma discussion.