Abstract
Nous rappelons ici la place que Locke accorde à la liaison des idées dans la connaissance, et montrons comment l’auteur de l’Essai en vient à définir la raison, non pas comme raisonnement qui tiendrait ses règles toutes faites de la syllogistique, mais comme faculté au travail examinant les liaisons dans les idées singulières. C’est l’occasion de préciser les rapports entre liaison et association, qui ne s’opposent pas chez Locke comme un lien objectif à un lien purement subjectif entre les idées. En effet, l’association est un régime normal de l’esprit même si elle a parfois des conséquences pathologiques. Par ailleurs, Locke donne toute leur place dans la connaissance aux connexions probables qui ne sont pourtant pas nécessairement fondées sur des raisons objectives (ex. : certitude morale). Enfin, la liaison des idées provoque, tout autant que l’association, des habitudes de l’esprit et il faut donc comprendre ce qui caractérise ces bonnes habitudes de l’esprit. Dans ces conditions, ce n’est pas du côté de l’objet connu, mais du sujet raisonnable que Locke pense les différences subtiles entre liaison et association, comme deux régimes de l’esprit : l’individu qui connaît n’est pas celui qui évite toute association d’idées, mais celui qui n’y arrête pas l’activité de son esprit, qui développe des habitudes d’examen et de critique, ce que ne fait pas l’homme dont l’esprit est offusqué par des associations d’idées devenues préjugés qui entravent son activité rationnelle.