Abstract
Le P. D. M. De Petter, o.p., fondateur de cette revue dont il assuma la direction jusqu'à sa mort, survenue le 6 avril 1971, publia pendant sa vie divers articles qui ont suscité, à bon droit, l'intérêt du public philosophique. Ces études demeurent cependant fragmentaires par rapport à sa vision philosophique globale, telle qu'elle est exprimée dans ses cours non publiés. Elles ne reçoivent d'ailleurs leur pleine signification qu'à partir de cette vue d'ensemble. Le présent exposé a pour objectif d'initier les lecteurs aux idées maîtresses de cette œuvre. Il n'a par conséquent d'autre prétention que de rendre fidèlement la pensée du P. De Petter. Il s'agit surtout de deux cours, qui sont étroitement liés : l'un d'anthropologie, l'autre de métaphysique. Le premier constitue le fondement du deuxième lequel, à son tour, complète le premier, en sorte que les deux forment une parfaite unité. De Petter révèle à travers ses cours une ligne de pensée très personnelle et originale. Sans doute en était-il conscient et il n'hésita pas à remettre en question toute la philosophie occidentale. Il y décelait une double erreur : d'une part une vision défectueuse et unilatérale de l'unité complexe de l'homme, d'autre part une interprétation insuffisante de l'ouverture humaine sur la réalité en soi et indépendante. En ce qui concerne le premier point, De Petter insiste sur le dualisme qui domine, quasiment sans contestation, toute la philosophie occidentale, et qui n'est contredit que par l'antidualisme des phénoménologues ; d'autre part il souligne les déficiences de cet antidualisme. Le dualisme n'a pas su rendre compte de l'unité humaine, tandis que l'antidualisme l'exagérait au point d'oublier la complexité de l'homme. En ce qui concerne le second point – l'ouverture humaine sur la réalité en soi – De Petter insiste sur le conceptualisme de toute la philosophie jusqu'à Kant. L'erreur de celui-ci consistait à considérer les concepts comme l'expression adéquate de la réalité elle-même, qu'ils tendaient à supplanter. Ensuite, il signale la réduction de l'être à l'être-pour-moi, prônée depuis Kant. Sur ce point également, la position de De Petter consiste à refuser les deux erreurs mentionnées. Aux phénoménologues, il imprunta tous les facteurs qui relativisent la connaissance humaine, mais à son avis l'affirmation de tout relativisme reste en deça de sa propre implication. Cette affirmation, en effet, prouve l'intentionalité foncière de la conscience sur la réalité même. C'est par cette intentionalité que la métaphysique devient possible. Celle-ci pourtant devra s'accorder au réalisme tel que De Petter le conçoit. Par ce réalisme il faut comprendre que la conscience humaine, à travers toutes les formes de relativité, vise l'absolu sans pouvoir y accéder. Dans cette ligne de pensée, la métaphysique ne fera que se rapprocher du mystère de la réalité toujours inaccessible. Sera-t-elle pour autant une métaphysique du silence ? Non pas. De Petter estime que le mystère de Dieu se montre – en tant que profondeur insondable – à travers l'insuffisance, la contingence ou le vide intérieur de notre monde. Signalons, pour terminer, que De Petter avance dans ses cours, une critique perspicace et profonde des thèses principales de l'anthropologie et de la métaphysique scolastiques