Abstract
L'intention fondamentale de la métaphysique de l'Ecole peut-elle encore être reprise dans le contexte de la philosophie actuelle ? Cette intention est double. D'abord elle vise à parler de la réalité elle-même ou du réel tel qu'il est en soi. Ensuite elle prétend découvrir quelque chose concernant le fondement ultime de cette réalité. La phénoménologie semble condamner cette entreprise à un échec inévitable en prétendant que le réel ne se manifeste que dans la rencontre de l'homme avec lui. Ce que nous connaissons portera donc toujours l'empreinte de notre présence et ne sera donc jamais le réel en lui-même. Heidegger ne semble pas moins nous éloigner de l'ancien problème de la métaphysique. Dans son intention de l'approfondir, il semble plutôt en écarter le problème pour le remplacer par un autre. Sa méditation porte en effet sur la lumière originelle -toujours oubliée -dans laquelle le monde se révèle à nous, mais il ne semble pas en arriver à réfléchir sur ce qui devient visible grâce à cette lumière. Il semble pourtant que, tant l'idée de rencontre que celle de lumière originelle élimine si peu l'affirmation du réel lui-même, qu'elles le supposent plutôt, aussi longtemps qu'on veut éviter l'idéalisme le plus radical. Or, c'est sur le sens de cette affirmation implicite et sur le réel visé par elle que la métaphysique de l'Ecole veut réfléchir. Mais un second obstacle risque de faire échouer cette tentative. Le réel n'est-il pas individuel, temporel, irréductible ? N'est-ce pas dès lors impossible d'en parler, puisque notre langue n'est faite que de concepts généraux et intemporels ? A cette question, on peut d'abord répondre que tout notre appareil de concepts généraux est soutenu par un moment de contact avec le réel lui-même. Seulement ceci ne semble pas encore nous avancer beaucoup. En effet, cette saisie intuitive n'est-elle pas condamnée à rester implicite et muette ? Une issue à ce problème nous semble possible en poursuivant la ligne de réflexion de l'ancienne théorie de l'illumination. C'est en réfléchissant sur les caractéristiques de la vérité telle qu'elle nous est accessible, que nous pourrions arriver à dire quelque chose du concret lui-même. En effet, il se manifeste à nous comme étant inséré dans la totalité du réel qui nous est ouverte dans une sorte d'ouverture antécédente et constitutive de notre existence. Or ces deux aspects, qu'on ne saurait nier sans totalement exclure l'homme du royaume de la vérité, semblent postuler la Présence Totale de l'Origine dans la moindre parcelle du réel. Cette présence devient consciente et éclairante dans l'existence humaine