Abstract
Créée par Éric Rochant, Le Bureau des légendes (Canal +, 2015-2020) explore le monde du renseignement en décrivant le travail du service des agents clandestins de la DGSE. Face aux incertitudes et aux complexités géopolitiques du monde contemporain, elle fait le choix d’une immersion au cœur du « renseignement humain ». Cet article envisage l’hypothèse selon laquelle une telle fiction permet de restaurer la confiance des spectateurs vis-à-vis de la capacité d’une démocratie à lutter contre ce qui la menace. En plongeant son spectateur dans les coulisses du renseignement, en le familiarisant avec des personnages complexes, la série questionne la légitimité de la confiance qu’il est possible d’accorder à un service de renseignement. La faillibilité des agents, mise en scène de façon détaillée, réfléchie par la série elle-même, rassure parce qu’elle permet de comprendre et de partager une forme de vie spécifique qui est celle de l’action secrète. L’espionnage, le contre-espionnage et le contre-terrorisme apparaissent alors comme des pratiques reposant en dernier ressort, non pas sur une maîtrise absolue, mais sur la décision de faire confiance ou au contraire de se méfier. Mobilisant les recherches de la sociologie contemporaine à propos de la confiance (Giddens, 1994 et Luhmann 2006), il s’agit de décrire Le Bureau des légendes comme une fiction projetant sur nos écrans, la possibilité d’une restauration de la confiance ou pour le dire à la manière de Stanley Cavell, une issue possible au scepticisme.