L'imagination comme vêtement de l'âme chez Marsile Ficin et Giordano Bruno

Revue de Métaphysique et de Morale 61 (1):18 - 39 (1956)
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Abstract

I. Les facultés qui se rapportent à l'image des objets en nous, — l'imagination au sens large, — constituent, selon une tradition qui vient d'Aristote, l'intermédiaire entre la sensibilité et l'intellect. Le moyen âge les désigna par le nom de sens intérieurs ; leur liste fut reprise et modifiée par Ficin (dont la source directe n'est pas Avicenne, mais Albert le Grand) et par Bruno. Dans l'interprétation des néoplatoniciens, la série des facultés connaissantes représente le chemin de l'âme dans la conversion ; la phantasia y joue un rôle eminent (Plotin, Hugues de Saint-Victor, Ficin, Bruno) ; d'autre part, on fait correspondre à la faculté intermédiaire une âme intermédiaire qui lui sert de substrat (Lulle), et un « premier corps » ou « véhicule » de l'âme (le spiritus phantasticus ou őχημα-πνεῦμα de Synesius). L'idée reparaît, modifiée, chez Hugues de Saint-Victor, Ficin, Bruno. Ce dernier met le spiritus phantasticus en relation avec l'âme du monde, qui lui est consubstantielle, la « lumière précédant toute Création » qui nous fait voir les images de nos rêves. Sources : Porphyre, Cusanus repris par Ficin, le panthéisme médiéval. Le lien entre le spiritus phantasticus et le destin de l'âme, esquissé chez Plotin, Porphyre, le Pseudo-Jamblique, Synesius, est affirmé sous différentes formes par Hugues, Ficin et Bruno : le sujet des peines infernales, qui sont d'ailleurs chez Ficin et Bruno de nature imaginaire, est un corps subtil. Ces peines correspondent exactement à ce que nos appétits et notre imagination ont fait de la substance de notre âme. Le spiritus phantasticus se rapproche, notamment chez Ficin, d'une sorte de karma. II. Dans la branche descendante de la connaissance, l'application de l'universel au particulier est forcément liée au sens intérieur et on l'attribue à une faculté spéciale, la Urteilskraft au sens kantien. Bruno en fait une fonction de l'imagination. D'autre part, les arts universels ou lulliens ont pris de plus en plus, durant la Renaissance, l'aspect de topiques généralisées ; le nerf de la méthode y était donc toujours cette Urteilskraft. Il s'en suit, chez Bruno, que le sujet de l'art universel est l'imagination, qui devient ainsi la source première de tout acte de l'intellect, principe de la fécondité infinie de la pensée. (Pratiquement, d'ailleurs, les artes de Bruno sont des ensembles d'images). III. Aux théories de l'imagination répondent les théories de l'image, « vêtement » et « premier corps » de la pensée. On vérifie cette correspondance, d'une part, dans la théorie du symbole, — avec ses variantes métaphysiques, pansymbolisme, magie, — et, d'autre part, dans celle du concetto (rapport entre la pensée et l'expression), où l'on va jusqu'à l'idée d'un universel de l'imagination, et du dessin comme concept. — Une importante différence entre la nature du symbolisme selon Pic et l'idée que s'en fait Bruno s'explique par leurs conceptions différentes de l'imagination. La théorie de l'art et l'évolution du goût artistique sont, dans leurs grandes lignes, en concordance avec ce qu'impliquent ou suggèrent à ce sujet les théories de l'imagination et de l'image.

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