Thomisme AlS levende filosofie

Tijdschrift Voor Filosofie 18 (1):3-26 (1956)
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Abstract

Un système philosophique peut-il se maintenir à travers le temps ? Peut-il renaître après des siècles ? Oui, s'il peut faire l'objet d'une pensée vivante et, donc, personnelle.C'est pourquoi le cardinal Mercier estime que le thomisme authentique est appelé à se rajeunir sans cesse et à prendre la forme d'un néothomisme. Pour renouveller le thomisme, dit le Cardinal, « il ne peut s'agir simplement de retourner en arrière » ; il ne peut être question de considérer la doctrine thomiste comme « une momie ensevelie dans un tombeau et autour duquel nous n'aurions qu'à monter la garde, mais comme un organisme toujours jeune, toujours en activité » ; en l'occurrence, ce qui importe avant tout, c'est esprit » dont la doctrine est animée. Pour saisir exactement l'idée du cardinal Mercier, il faut se référer à l'époque de son enseignement à l'Université de Louvain. En particulier, on doit se rappeler l'importance attachée à l'organisation universitaire de la recherche scientifique, au cours des dernières décades du dix-neuvième siècle, et il est nécessaire de se souvenir de la distinction introduite alors entre la « science faite » et la « science qui se fait » . Le cardinal Mercier n'a pas hésité à appliquer ces vues à la philosophie et dès lors au thomisme, qu'il considérait comme la philosophie vraie . Cependant il ne lui était guère possible, à cette époque, d'établir, à ce point de vue, une nette différence entre les sciences et la philosophie. Depuis lors, les résultats obtenus par la « critique des sciences », ainsi que certaines considérations de la philosophie d'aujourd'hui, sont venus jeter quelque lumière sur ce point capital. Au lieu d'étudier directement le problème, examinons le comportement du philosophe, pour savoir en quoi il diffère de celui de l'homme de science. Dans une étude philosophique se rencontrent régulièrement des références aux philosophes anciens, dont on discute les idées. On remarque que tout philosophe véritable garde indéfiniment son actualité : il ne se trouve jamais entièrement remplacé, annulé, par les penseurs qui le suivent. Assurément, personne ne songerait à prétendre, par exemple, qu'au vingtième siècle il n'y a plus aucun profit à étudier les classiques grecs ; et qui donc s'aviserait de nier que la disparition des œuvres de ces philosophes constituerait une perte irréparable ? A considérer l'histoire, il semble que tout se passe comme si un « colloque philosophique » se poursuivait depuis des siècles. Quelques dizaines de penseurs y prennant une part active. Or, il est remarquable qu'aucun des membres effectifs de ce Symposion ne s'efface jamais, ni ne cède la place à un autre. De fait, le groupe des penseurs déjà réunis voit, de temps à autre, de nouveaux se joindre à eux, mais toujours les derniers venus reconnaissent l'autorité des anciens et ils ne manquent pas de s'expliquer avec eux. Dans le secteur des sciences, il en va tout autrement. Pour s'y mettre au courant, c'est uniquement aux auteurs les plus récents qu'il convient de s'adresser. Les hommes de science du passé n'ont plus qu'une importance historique. Dès lors, on ne s'y réfère pas, on ne discute plus leurs opinions. A la lumière des résultats obtenus grâce à la critique des sciences, il est devenu possible de se faire une idée exacte de la valeur des sciences modernes, de définir la nature de leurs méthodes et la portée de leurs résultats. En conséquence, l'on peut poser le problème de la distinction entre les sciences et la philosophie avec quelque chance d'aboutir à une solution précise et dûment fondée. L'homme de science considère les données d'un point de vue objectif , du « point de vue de Sirius ». C'est notamment ce que fait le physicien lorsqu'il utilise des instruments pour enregistrer les faits et pour noter la régularité de leurs rapports spaciaux et temporels. Tout au contraire, le philosophe s'attache à « intelliger » ces mêmes réalités et à déceler les « significations » qu'elles comportent. Dès lors, en philosophie, un facteur personnel intervient immanquablement, tant en ce qui concerne la richesse des données d'expérience qu'en ce qui concerne la force du regard intellectuel qui les pénètre et les saisit. Ce qui n'autorise nullement de conclure au subjectivisme, bien au contraire. Dès lors, on comprend que tout système philosophique porte la marque de la personnalité « incommunicable » de son auteur et que, pour autant, il demeure irréductible à tout autre, — ce qui entraîne la condamnation de l'éclectisme. En effet, comme la personnalité humaine, tout en demeurant liée à la matière, est essentiellement fonction de l'esprit et, par conséquent de l'activité libre, on comprend que l'œuvre d'un philosophe ne puisse remplacer adéquatement celle d'un autre, même lorsqu'elle lui est de beaucoup supérieure : l'une et l'autre demeurera donc actuelle et chacune vaudra d'être entendue, discutée, fût-ce pour être réfutée. Par ailleurs, on ne voit pas le moyen de prévoir comment la pensée philosophique s'orientera dans la suite. A cet égard, il y a bien des traits communs à l'art et à la philosophie. Cependant la différence demeure profonde, car le propre de la philosophie est de tendre à découvrir la vérité dans sa valeur absolument universelle ; et en cela son activité de recherche rejoint celle de l'homme de science. C'est pourquoi, les différents systèmes ne présentent pas la même valeur philosophique ; et, comme il nous est donné de suivre les échange de vues du grand « colloque philosophique », nous sommes en droit de donner la palme à tel ou tel penseur, par exemple S. Thomas, s'il nous paraît être le meilleur. Il reste, que les autres penseurs se trouvent, eux aussi, d'une manière qui leur est propre, en possession de quelque vérité, même s'ils s'égarent sur les questions fondamentales ; ainsi qu'aimait à le répéter le cardinal Mercier : « dans toute erreur il y a une âme de vérité » Il en résulte que si l'on veut se faire le disciple de S. Thomas, c'est par un effort personnel qu'on doit poursuivre l'œuvre de celui-ci. Sans doute, le thomiste est-il supposé reprendre la structure essentielle du système, l'ensemble des thèses doctrinales, mais c'est pour les faire vivre, à savoir pour les rendre fécondes en les gardant enracinées dans une expérience de base, comme S. Thomas, sans aucun doute, a dû le faire lui-même. C'est à partir de pareille expérience que le Docteur Angélique a abstrait ses dées et qu'il a établi les catégories fondamentales de son système ; et c'est à ces données d'expérience qu'il n'a cessé de se référer, pour éclairer toujours davantage ses idées et en équilibrer le contenu, pour les compléter et, au besoin, les corriger. Il faudrait donc découvrir où se situe cette expérience chez S. Thomas, — par exemple, en rapport avec sa conception si personnelle de l'unité substantielle de l'homme et celle non moins personnelle de la signification de Y esse ; — travail difficile, car S. Thomas se retire modestement derrière l'exposé sincère de sa doctrine, sans fournir la description « phénoménologique » de son expérience personnelle, comme les auteurs actuels se plaisent à le faire ; travail ardu, qui suppose l'étude attentive et scrupuleuse du texte authentique, du milieu doctrinal, des sources littéraires et de la manière dont S. Thomas les utilise. Les résultats de pareille étude permettront de voir se profiler l'expérience qui fut la terre nourricière de la doctrine élaborée par le Docteur Angélique. Il faudra s'efforcer de faire soi-même une expérience analogue, tout aussi personnelle, c'est-à-dire liée étroitement au tempérament de la personne qui la fait, à la formation qu'elle a acquise, dès lors aux conditions de temps et d'espace dans lesquelles elle s'est développée, à l'atmosphère philosophique qu'elle respire, etc. : bref, une expérience réelle, vivante, donc « d'aujourd'hui ». C'est à partir de là que surgira la doctrine et que pourra se construire le système ; comme c'est à partir de là que l'idée thomiste pourra croître, se renouveller, garder sa perpétuelle jeunesse et sa fécondité

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