Abstract
La pensée heideggerienne concernant la technique a été qualifiée à plusieurs reprises de romantique, de mythique, de non-sérieuse et d'ineffective. Ces reproches prennent d'autant plus de poids qu'il est vrai que cette même pensée concernant la technique coïncide avec l'intention profonde de toute sa philosophie. Le penseur de l'être paraît être le penseur de la technique, c'est-à-dire de l'être tel qu'il se manifeste phénomenalement à l'époque de la technique. De ce fait toute sa pensée est liée à ce qu'il dit de la technique. L'auteur de cet article est convaincu que sa pensée se tient sur ce point. C'est la thèse qu'il a soutenu dans sa dissertation de doctorat (Technique et Liberté : une analyse critique du phénomène de la technique dans la pensée de Martin Heidegger, Leuven, 1970, 575 pp., pro manuscripto). Pour montrer l'originalité et le bien-fondé de la pensée heideggerienne concernant la technique on cherche dans le présent article tout d'abord de définir le problème de la technique tel qu'il s'impose à nous. Ce problème ne peut pas être résolu techniquement, car au fond il est une question philosophique qui porte sur l'être de la technique même et sur la possibilité de l'homme de dominer ou d'influencer l'évolution technique. Ensuite on voit que ce qu'en disent les philosophes traditionnels de la technique paraît être insuffisant. Car les plus avertis parmi eux ont bien remarqué l'aspect transcendental de la technique qui rend impossible la domination de la technique par l'homme, mais finalement ils conçoivent la technique comme une prestation purement humaine ou Comme un moyen (un instrument) dont l'homme peut disposer librement. Dans la troisième partie de l'article nous assistons au rappel à la vraie question de la technique par Heidegger. Selon lui, il ne s'agit pas de prendre la technique en main (pour la dominer), mais bien de se laisser interpeller par l'être de la technique pour entrevoir des possibilités nouvelles d'une existence plus authentique. Le danger qu'offre la technique ne se situe pas dans la menace par exemple d'une guerre atomique, mais dans l'oubli de l'être qu'elle perpétue. La vraie question est donc celle-ci : „Wo sind wir ? In welcher Konstellation von Sein und Mensch ?” Une critique plus objective que celles mentionnées ci-dessus devrait étudier la différence irréconciliée entre l'événement de la vérité („das Ereignis der Wahrheit” dont la technique est le prélude) et la mise en oeuvre de cette même vérité par l'homme