Abstract

La philosophie est historique en ce sens qu'elle doit être acquise et élaborée par des hommes qui vivent dans l'histoire. Mais sa valeur de vérité dépend-elle en quelque manière de la situation historique dans laquelle elle est établie ? On a de solides raisons de refuser a priori toute sorte de relativisme historique qui dépouillerait la vérité de sa signification la plus précieuse, à savoir d'être une valeur pour tous les temps et tous les lieux. On peut se demander pourtant si un approfondissement des notions de « philosophie » et d' « histoire » ne doit pas suggérer un dépassement de l'antinomie courante entre la valeur de vérité et l'historicité de la philosophie. Le propre de la connaissance philosophique est d'être une connaissance « totale » de la réalité, connaissance qui ne peut être acquise que par une « reprise » de toutes les formes d'intentionalité par lesquelles cette réalité nous est présente. Si ces formes d'intentionalité ont une histoire, il est clair que la philosophie elle-même sera historique. Sans doute, la philosophie remontera jusqu'aux structures premières de la réalité que ces formes nous révèlent, mais la signification qu'elle pourra accorder à ces structures dépendra de la forme et du contenu de l'expérience à partir de laquelle ces structures ont pu apparaître. Quant à l'histoire, elle ne peut être comprise que comme la temporalité propre à l'existence humaine. Elle relie les moments successifs de la durée dans l'unité d'un devenir dont le passé vaut dans le présent pour un avenir qui reste toujours à faire. Elle naît d'une appropriation de la durée, qui est un aspect de l'élaboration progressive de notre existence. Si la connaissance philosophique éclaire la totalité de notre existence, elle doit l'éclairer dans cette élaboration historique, et plus particulièrement dans l'élaboration des formes intentionnelles de cette existence. L'historicité qui en résulte, ne s'oppose nullement à la valeur de vérité de la philosophie, mais en est l'accompagnement nécessaire. C'est à travers elle que la philosophie vise une valeur « transhistorique »