Abstract
On s’intéresse dans cet article à la contribution d’auteurs issus de l’exégèse scripturaire brahmanique à l’histoire de l’ontologie dans l’Inde du premier millénaire. Ce faisant, on cherche à mieux comprendre ce que signifie « philosopher » pour ces intellectuels voués à l’interprétation, dans une perspective ritualiste, d’un texte jugé comme éternel et infaillible. Le point de départ de l’enquête est l’opposition entre deux conceptions rivales de l’être, apparues simultanément au tournant des viieet viiie siècles au sein de cette école : l’être compris comme présence, l’être envisagé comme propriété de l’objet d’une connaissance valide. Après avoir brièvement caractérisé ces deux thèses, on s’efforce de les situer au croisement de deux problématiques qui concernent le statut du Texte Sacré, à savoir la compréhension du caractère « hors normes » de l’objet du Veda et l’interprétation du phénomène linguistique du commandement, central s’agissant d’un texte considéré comme essentiellement normatif. L’hypothèse ici défendue est que cette double matrice, herméneutique et linguistique, occasionne l’élaboration controversée d’une « ontologie du commandement » et justifie de ce fait l’irruption des exégètes dans un domaine métaphysique réservé jusqu’alors aux tenant des philosophies « naturelles ».