Abstract
Dans les années 1990, des études en syntaxe et sémantique chez des enfants sourds profonds dont les seuils auditifs avec prothèse se situaient en dehors de la zone conversationnelle ont permis de poser l'hypothèse des langues sourdes. Les prothèses actuelles et les implants cochléaires apportent désormais de meilleurs gains auditifs. Il est donc nécessaire d'établir si l'hypothèse des langues sourdes est toujours valable. Les caractéristiques syntaxiques et sémantiques de données orales recueillies auprès de 6 enfants et adolescents francophones et de 6 enfants et adolescents anglophones sourds profonds oralistes ayant au moins 7 ans d'utilisation de leur implant ont donc été analysées et comparées à des données similaires recueillies auprès de 4 enfants et adolescents francophones et de 4 enfants et adolescents anglophones sourds profonds oralistes. Certains schémas des langues sourdes restent présents et de nouveaux aspects linguistiques émergent, tels que les commentaires métalinguistiques, les emplois métaphoriques, l'humour et les énoncés complexes. Le maintien de schémas propres aux langues sourdes pourrait s'expliquer par le déficit de perception auditive des premiers mois de vie qui pourrait entraîner le développement de représentations cognitives spécifiques chez les sourds profonds, en particulier pour l'espace et le temps, et ce en dépit d'un apport linguistique ultérieur important en quantité et en variété.