Abstract
La structure qui sous-tend la composition du poème de Parménide est très élaborée, il est aisé de s’en rendre compte. La déesse y parle des enseignements qu’elle s’apprête à délivrer et, dans les fragments 10 et 11, elle offre un panorama détaillé de tout un ensemble de questions qu’elle va traiter aussitôt après. Un certain nombre d’éléments métatextuels se trouvent de cette façon insérés dans le texte écrit au premier degré et en interrompent le cours. D’autres passages de texte à métatexte (et vice versa) se rencontrent d’ailleurs dans les fragments, mettant ainsi en évidence de frappantes discontinuités et des changements significatifs dans le type de saturation provoqué dans l’auditoire. Tout cela fait comprendre que les enseignements délivrés dans le poème sont immergés dans une infrastructure beaucoup plus « construite » et « étudiée », beaucoup plus consciente que celle qui apparaît dans tant d’autres textes de la même époque ou antérieurs. D’où l’importance d’une recherche spécifiquement consacrée à la composition du poème dans son ensemble. La formule rassurante de B10.1, « tu apprendras » (εἴσῃ), prend dans cette recherche une importance particulière, parce qu’elle démontre que Parménide lui-même a donné une valeur explicitement positive à ce qui, jusque peu auparavant, faisait l’objet de jugements fortement négatifs. Cette incohérence n’est donc pas une conjecture de notre part, mais quelque chose dont Parménide ne peut pas ne pas s’être rendu compte, ce qui signifie vraisemblablement que la seconde partie du poème expose des connaissances auxquelles il était parvenu dans une « phase précritique » de sa recherche. Sinon, à quelle autre explication pourrait-on penser?