Abstract
L’usage des termes de jacobin et de jacobinisme dans la vie politique ne renvoie jamais exclusivement aux membres du club de la Révolution française ni aux idées souvent contradictoires et mouvantes dans le temps qui y furent débattues. Ils servent à désigner, souvent de manière disqualifiante, des personnages politiques et des courants d’idées, jusqu’à nos jours, qui peuvent n’avoir qu’un lointain rapport avec la pensée révolutionnaire française. Les événements politiques qui marquèrent la Suisse dans les années 1847-1848 fournissent une excellente illustration de la transposition et de l’usage de ces termes en tant que catégories politiques hors du contexte de la Révolution française mais en écho à celle-ci. Les événements des années 1847-1848 sont en effet, encore aujourd’hui, souvent analysés de manières savante ou profane à travers ces catégories qui contribuent à une historiographie particulière souvent teintée de présupposés idéologiques. Cette historiographie reprend, parfois sans recul, les termes utilisés par les contemporains les plus opposés à une construction fédérale helvétique, lesquels n’hésitèrent pas à la comparer aux épisodes sanglants de la Révolution française, dont les jacobins étaient censés être les acteurs. L’usage des termes de jacobin et de jacobinisme s’inscrit dans une vision mécaniste et répétitive de l’histoire et remplit ici une fonction disqualifiante de courants et d’acteurs politiques pourtant fort éloignés des idéaux révolutionnaires français.