Abstract
Hippolyte Taine a rédigé, en 1870, au moment où son oeuvre changea d’orientation, une monographie relatant l’observation du développement du langage chez son propre enfant. Ce texte, connu de Darwin, est l’une des premières tentatives d’observer le développement, l’évolution, de l’enfant. Le but n’en est pas tant de décrire l’enfant pour lui-même que de polémiquer avec le linguiste Max Müller au sujet de l’origine du langage. L’observation de Taine veut montrer expérimentalement que la théorie évolutionniste rend compte de la genèse du langage chez l’individu et dans l’espèce humaine. Mais l’enjeu réel est de nier qu’il existe une rupture entre l’intelligence de l’homme et celle de l’animal. Max Müller s’en tenait à appliquer la théorie de l’évolution au changement des langues. Taine, lui, veut affirmer la continuité du développement psychologique dans la nature: ce ne sont pas les langues qui évoluent mais l’intelligence ellemême.