Abstract
Françoise Lauwaert Dans cet article, après un essai de définition de ce que l’on entendait par « rites » dans les premiers traités normatifs qui leur furent consacrés, sera retracée l’évolution ayant mené à la constitution d’un « système rituel » à visée totalisante. Or, la recherche de « l’ordre parfait » à laquelle s’adonnaient les ritualistes a suscité des débats infinis et n’a pu aboutir à construire un édifice aussi solide que ces derniers l’auraient souhaité. Pour l’anthropologue Philippe Descola, ce mélange de fascination pour un système quasi totalitaire et d’incapacité à se mettre d’accord sur sa physionomie réelle caractérise l’ontologie analogiste qui fut celle de la Chine à l’époque où ces traités ont été rédigés (la fin de la période des Royaumes Combattants). C’est la première cause, d’ordre logique, que l’on peut trouver à la fragilité d’un système décrit par Yuri Pines comme « the Universal Panacea ». La deuxième cause est plutôt d’ordre psychologique. Elle trouve sa source dans le doute et l’anxiété provoqués par la pression qu’exerce sur les sujets l’injonction de recréer en soi un ordre idéal et toujours déjà perdu. Cette dernière partie s’appuie sur les travaux récents de deux auteurs, Mark Csikzentmihalyi et Michael David Kaulana Ing, lesquels montrent, à partir d’une analyse détaillée de deux ouvrages normatifs : le Wuxing 五行 (Les Cinq types d’actions vertueuses) et le Liji 禮記 (Livre des rites), comment furent abordées les questions de la faillite du rituel et de la faillibilité humaine, indiquant ainsi la voie vers une sortie possible du fantasme de l’ordre parfait.