De zelfervaring Van de biddende mens
Abstract
II n'y a rien d'étonnant à ce que la religion soit au départ de la philosophie. Sicelle-ci poursuit la connaissance la plus ample et la plus approfondie de la réalité telle qu'elle nous est donnée, elle ne peut faire abstraction de la religion comme phénomène humain universel, c'est-à-dire comme un fait qui a un sens. Ce sens nous paraît être donné dans une expérience du rapport réel de l'homme qui prie, avec Dieu, soi-même, le prochain et le monde. Cet article se limite aux relations de l'homme qui prie avec soi-même, le dialogue ego--ego. Ce dialogue est un effort de sincérité au sens d'authenticité. La sincérité de l'homme qui prie apporte, en premier lieu, de la clarté et de l'unité dans l'homme lui-même. Dans la prière une harmonie s'établit à un triple niveau : au plan extérieurintérieur : je me présente à Dieu tel que je suis ; au plan de la temporalité : une unité se fait dans ma vie à la suite de la compréhension du présent avec une rétention du passé et une protention vers l'avenir ; au plan du rapport moi-réel et moi-idéal se manifeste un mouvement vers l'honnêteté et la loyauté. La prière de contrition éclaire la formation de mon moi au point de départ ; l'impétration d'une vie morale au point d'arrivée. En cas d'accord du moi-extérieur avec le moi-profond, tout n'est pas encore dit. Il importe de savoir comment va s'orienter le moi-fondamental. Vais-je me replier orgueilleusement sur moi-même ou m'ouvrir humblement à Dieu ? Le choix ultime : Dieu / moi-même, déterminera la qualité de l'ego. Celui qui choisit Dieu entrera en une relation d'amour avec lui. Non seulement l'amour unit, mais il exige l'abandon de tout ce qui n'est pas la personne aimée. La vie de l'homme qui prie se présente comme un rapprochement de Dieu et un abandon toujours plus prononcé de tout le reste. C'est un processus d'abaissement qui commence, basé sur la collaboration de Dieu et de l'homme. Parfois l'initiative de l'homme prédomine, comme dans l'ascèse, parfois celle de Dieu, comme dans la souiffrance et le sort de la vie. Après s'être donné à Dieu, l'homme qui prie se retrouve soi-même à travers Dieu. Dans le dialogue ego--ego le dernier terme n'est pas, sans plus, identique au premier. Il est épuré, récréé, devenu plus un, plus simple ; ses agissements sont en harmonie avec ses convictions personnelles. La prière sincère n'est pas l'expression d'une émotion passagère mais celle d'une volonté persévérante. Dans la prière l'homme sepropose spontanément d'être sincère. Elle est une manière d'être du moi, notamment la manière d'être authentiquement soi-même. Elle révèle l'ego comme mystère, comme mystère en relation, à savoir en rapport avec le mystère de Dieu. Ma vie n'a de valeur que comme dialogue ego--ego, comme dialogue médiatisé. Pour terminer on a replacé les conclusions dans le cadre d'une philosophie totale de la prière. Elles doivent être complétées de par l'intérieur par l'étude de l'intimité de l'homme avec Dieu et de ses rapports avec autrui et le monde. Alors seulement on pourra avoir une représentation complète de la prière et de l'homme-qui-prie