Abstract

L’ouvrage édité par Golomb et Wistrich remet à l’ordre du jour une question chaudement débattue voilà pas si longtemps, à savoir si la philosophie de Nietzsche se constitue en véritable initiatrice du nazisme et du fascisme. C’est plus de nazisme que de fascisme à l’italienne qu’il sera d’ailleurs question. L’illustration de la couverture du livre ne trompe pas: on y voit un Nietzsche songeur et son reflet inversé, l’un étant marqué en surimposition d’une svastika rouge. Le titre nous met sur la piste: on veut se questionner sur cette supposée parenté de Nietzsche avec le nazisme. La philosophie de Nietzsche est-elle fasciste? proto-fasciste? antifasciste? Si Nietzsche ne peut être considéré comme fasciste, quels éléments de sa pensée ont pu avoir un attrait pour les fascistes du XXe siècle? On cherche à savoir, avec Derrida, ce qui dans cette philosophie se prête aussi bien à une lecture nazie: pourquoi Nietzsche? pourquoi pas un autre? La question du politique chez Nietzsche fait nécessairement partie des points abordés dans les différents articles. En effet, il faut prendre parti et dire si Nietzsche était politique ou apolitique. Ne serait-ce pas la plus grande ironie s’il s’avérait que Nietzsche l’apolitique a été utilisé à des fins politiques? La question de la grande politique, si elle n’est pas résolue dans cet ouvrage, le hante et le traverse. S’agitil donc d’un autre ouvrage de réhabilitation? L’entreprise n’est pas aussi naïve, et on n’assiste à aucun escamotage, même si l’on sent une nette sympathie pour le philosophe dont on a détourné la pensée. Il sera donc question de ce détournement: quels passages de l’œuvre ont pu être utiles aux idéologues nazis et comment ont-ils manipulé l’œuvre? Mais on dit aussi comment ces mêmes idéologues considéraient cette pensée comme suspecte, surtout au niveau de ce que Nietzsche avait à dire sur les Juifs. La «question juive» est donc omniprésente: que pensait Nietzsche des Juifs? Nietzsche antisémite? Pro-sémite? Anti-antisémite? Philosémite?