Abstract

Négligeant l'interprétation pragmatiste et symboliste de notre connaissance de Dieu, on peut dire que deux positions devenues classiques s'affrontent dans le problème de notre connaissance « analogique » de Dieu : la tendance qui affirme que, pour échapper au métaphorisme comme à l'anthropomorphisme, nous devons dire que nous connaissons Dieu d'une façon purement conceptuelle ; nos concepts de Dieu sont des concepts transcendentaux, lesquels nous font connaître de Dieu ce que celui-ci a de proportionnellement commun avec les créatures. Il y aurait donc des concepts qui selon leur contenu conceptuel pourraient être attribués à Dieu. D'autre part, la théorie du dynamisme intellectuel de J, Maréchal et de son école. Les deux se réclamant de S. Thomas, il convient d'abord d'explorer ce qui, historiquement, est la conception de S. Thomas lui-même. La prétention de cette étude ne va pas plus loin. L'analyse des textes et surtout de la pensée qui se cache sous les textes de S. Thomas nous a révélé les points suivants. 1. — S. Thomas admet indubitablement la valeur irremplaçable des éléments conceptuels dans notre connaissance de Dieu. 2. — D'autre part, il affirme que les concepts que manipule la raison humaine sont tous des concepts de créatures, des conceptions prédicamentales proportionnées uniquement aux perfections créées. Celles-ci comportent cependant une « similitudo imitationis » avec Dieu, laquelle toutefois échappe aux prises de notre conceptualisation spécifique et même générique. Conscience intellectuelle et connaissance conceptuelle ne sont pas synonymes . 3. — De ceci il appert que l'élément cognitionnel, qui est la source de la valeur objective et spéculative de notre connaissance de Dieu, ne jaillit pas des réprésentations conceptuelles comme telles. En analysant la distinction thomiste de ïactus significandi et de la ratio concepta on en vient à la conclusion que le coeur même de notre connaissance de Dieu consiste dans un acte projectif, par lequel l'intelligence humaine vise la réalité divine dans la ligne même que être nous indique. Intellectuellement nous avons conscience d'une intelligibilité qui s 'ouvre sur Dieu ou qui nous trace la direction dans laquelle Dieu se laisse atteindre sans qu'on le puisse capter notionnellement. « Res significatur per rat'wnem seu significationem nominis. » C'est le dynamisme objectif, c.à.d. du contenu réel de l'acte et de la valeur d'être, qui garantit la valeur objective et spéculative de notre conscience de Dieu, et non point le dynamisme intellectuel ou une unité quelconque abstraite qui envelopperait la créature et Dieu dans une notion proportionnellement une. Cette position de S. Thomas se trouve confirmée par l'analyse de l'analogie thomiste, selon laquelle l'unité analogique ne s'entend pas d'une unité abstraite, mais d'une unité concrète et réelle