Abstract
L’objet de cet article est d’examiner la lecture par Henri More de la Dioptrique de Descartes et particulièrement des éléments qui relèvent de la théorie de la vision, dans ses dimensions physiques, physiologiques, et psychologiques. More prend son point de départ dans ce qui semble être une apparente adhésion au cadre général de la « mécanisation du regard » cartésienne. Néanmoins dans cette structure cartésienne, More parvient à reverser de larges pans du savoir ancien de la vision et à subvertir entièrement le programme cartésien d’une réduction mécaniste du processus sensoriel et d’une déprise du réalisme « sensualiste » aristotélicien. Le fond du phénomène visuel apparaît désormais dans sa vérité : dans la vision, et plus précisément à la surface interne de l’œil, là ou se dépeignent les images rétiniennes, s’opère une sorte de confluence entre l’esprit du monde et l’esprit du voyant : un acte commun du sensible et du sentant en quelque sorte, si on peut ici s’autoriser de l’espèce de syncrétisme platonico-aristotélicien qui caractérise la théorie de la vision que More, qui n’a gardé que les oripeaux de la doctrine cartésienne, entend faire couler dans cette enveloppe vide.