Abstract
Les temporalités journalistiques connaissent-elles des ordres et des crises? Le cas de l’Unité populaire au Chili montre que les routines pratiques et les habitudes discursives du journalisme sont historiquement situées et connaissent des métamorphoses. Ces transformations s’appuient sur les normes en vigueur, mais font émerger une autre logique temporelle qui prend peu à peu le dessus. Dans le cas chilien, la temporalité de la mise à l’agenda et la figure du gatekeeper sont de plus en plus contestées par l’événementialisation politique et l’urgence médiatique. La sélection et la hiérarchisation des nouvelles ne disparaissent pas, mais elles s’opèrent dans un autre but. Elles laissent la place à la temporalité de la fluidité, par laquelle les journalistes doivent nourrir un flux de nouvelles plus étendu et accéléré. La réactivité se redéfinit alors. L’Unité populaire, ce sont donc les temps agités où se métamorphose, au Chili, la temporalité de la mise à l’agenda. Et tout l’intérêt de ce cas réside dans le décalage historique entre ces métamorphoses journalistiques et la succession des régimes politiques puisque la temporalité de la fluidité émerge durant le gouvernement démocratique d’Allende et se consolide sous le régime autoritaire de Pinochet.