Abstract
Étienne Souriau a développé une philosophie originale de l’Instauration enracinée dans une nouvelle anthropologie de la création : l’homme est conçu comme l’ animal instaurateur. Il a développé systématiquement cette intuition fondatrice en explorant ses enjeux à l’intérieur de trois domaines principaux : l’instauration artistique (l’art étant le genre le plus pur de l’instauration, il constitue le modèle pour les autres), l’instauration philosophique, et enfin ce qu’il a appelé « l’instauration de soi ». Ce dernier domaine instauratif a été thématisé dans un cours public que Souriau a donné à Lyon en 1929-1930, qui s’intitulait justement L’esthétique et l’art de vivre. La vie constitue donc une matière à partir de laquelle on peut donner une forme (forme-de-vie) et qui peut devenir ainsi, en elle-même, œuvre. Mais – on pourrait se demander – de quelle forme s’agit-il? Souriau répond que la vie peut être matière, tour à tour prenant des formes pythagoriques, dynamiques, skeuologiques et psycho-esthétiques. Il faudrait aussi considérer la notion d’ œuvre. L’œuvre d’art, précise Souriau, doit être considérée, en elle-même à l’instar d’une personne – c’est-à-dire comme un être plurimodal, qui rassemble en soi et synthétise plusieurs niveaux existentiels à la fois. Selon l’ontologie développée dans Les Différents Modes d’existence enfin, le plus haut but de l’existence doit être celui d’un devenir sur-existentiel, visant à se dépasser en transcendance, la vie devenant ainsi vie sublime. On pourrait donc soutenir que, selon Souriau, la vie peut devenir une œuvre d’art, et l’œuvre d’art est une forme-de-vie.