Abstract
La notion d’esthétique qui, après les publications d’A. G. Baumgarten et de G. Fr. Meier, remporte dès la seconde moitié du XVIIIe siècle un remarquable succès en Allemagne, se heurte au contraire à de profondes résistances en France. C’est seulement dans les années 1840-1850 que le terme commence à se naturaliser et, à travers lui, la discipline philosophique qu’il recouvre. Pourquoi ce tenace refus? Comment un pays ouvert aux philosophies du sentir comme aux réflexions théoriques sur les arts durant tout le XVIIIe siècle, peut-il si obstinément refuser une discipline qui, dans son étymologie même (aisthesis), place la sensation en son centre? Le présent article entend apporter quelques éléments de réponse à cette question en analysant certaines étapes de ce lent processus d’assimilation, depuis les cercles des Idéologues autour de 1800 jusqu’aux traductions de Schelling et de Hegel par Ch. Bénard dans les années 1840-1850.