Iris 39 (
2019)
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Abstract
Existe-t-il véritablement, du point de vue cognitif et épistémologique, une distance insurmontable entre grandes et petites mythologies, entre les récits fondateurs sur lesquels reposent nos références culturelles et littéraires et toutes ces métaphores qui façonnent et orientent en profondeur nos expressions langagières et les objets qui nous entourent et qui, elles aussi, racontent une histoire? Si aucune société ne peut vivre sans mythes, nul ne saurait vivre ni signifier sans métaphore. Et si Œdipe ou Philoctète sont des signifiants lourds de sens capables de générer une pléiade de configurations poétiques sans cesse renouvelées, Levi’s, Coca-Cola ou Apple ne sont pas moins, bien qu’à une dimension et à un degré différent, des noms qui se sont progressivement érigés au statut de mythes contemporains grâce à une habile stratégie où image et récit fondateur se renforcent et se légitiment réciproquement. En tant que force qui harmonise l’ordre et le désordre, le chaos et le cosmos, la symétrie et la dissymétrie, la Loi et la dimension de la fête et du jeu, Apollon et Dionysos, la vie intérieure et l’expérience du monde ; bref, en tant que principe médiateur et réunificateur de l’univers, de la forme et du sens, la métaphore est ainsi l’un des noms possibles de l’imaginaire. L’autre nom, c’est évidemment l’Amour. En effet, du Moyen Âge à l’époque contemporaine, l’amour, en tant que construction à partir d’une image-écran médiatrice, est toujours une quête du sens, un acte de signification, c’est-à-dire un processus dynamique mettant en relation les éléments disjoints du monde et de notre expérience. From a cognitive and epistemological perspective, does an insurmountable distance really exist between big and small mythologies, between founding narratives on which our cultural and literary references are based, all of the metaphors that fashion and orient the depth of our linguistic expression, and the objects that surround us, which, in their own way, tell a story? A society cannot live without myths; nor would one know how to live or to signify without metaphors. If Oedipus or Philoctetus are heavily loaded with meaning and capable of generating a constellation of constantly renewing poetic configurations, Levi’s, Coca-Cola or Apple do no less. Despite being at a different dimension and degree, these names have been progressively built up to the status of contemporary myths by way of a clever strategy in which image and founding story provide reciprocal reinforcement and legitimization. As a harmonizing force of order and disorder, of chaos and cosmos, of symmetry and asymmetry, of the Law and the dimension of party and play, of Apollo and Dionysus, of interior life and the experience of the world, in short, as a mediating and reunifying principle of the universe, of form, and of meaning, metaphor is one possible name for the imaginary. Its other name is, obviously, Love. In fact, from the Middle Ages to contemporary times, love, as a construction growing forth from a mediating image-screen, has always been a quest for meaning, an act of signification, a dynamic process connecting the fractal elements of our world and of our experience.