Abstract
Les ouvrages des premiers siècles du christianisme tournés explicitement vers l'extérieur (apologies antipaïennes, ouvrages adu. ludaeos ou traités hérésiologiques) ne sont pas dépourvus d'une visée interne et contribuent à forger l'identité de la communauté chrétienne. Pour cela, différentes approches étaient possibles, comme l'indique, sur un point particulier, la comparaison des manières dont deux contemporains, Clément d'Alexandrie et Tertullien, conçoivent la diversité de leurs adversaires. Chez le premier, la distinction est présentée explicitement, à travers des classifications bien formalisées : il semble considérer ses adversaires comme les interlocuteurs d'une discussion ouverte. Tertullien, en revanche, ne recourt pas à ce genre de division : s'il est conscient de la diversité des adversaires et s'il sait les identifier, il répugne à les intégrer dans une typologie unique et universelle, et préfère s'en tenir à une division binaire fondée sur la distinction de la vérité et de l'erreur. Le fondement d'une telle divergence d'approche entre deux contemporains tient sans doute en partie à la façon dont ils conçoivent le temps et la perspective eschatologique