Abstract

Notre rapport a l'oeuvre d'art litteraire se definit essentiellement comme experience. L'experience de l'oeuvre d'art litteraire recoit dans la Poetique d'Aristote sa premiere articulation determinante, exprimee en termes d'effet de l'oeuvre et de plaisir propre a l'oeuvre. Par ces termes entendons la visee ultime de l'oeuvre, visee qui repose sur les criteres de structuration mimetique. Meme si l'esthetique poetique diltheyenne de tendance psychologique ne s'inscrit pas dans la lignee de la Poetique, elle laisse presupposer une correlation etroite, absente chez Aristote, entre creation poetique et comprehension de l'oeuvre. Mais c'est surtout l'hermeneutique contemporaine qui, affranchie du psychologique de "l'hermeneutique" de Dilthey, nous permet de preciser et de nuancer cette correlation. Malgre leur plaidoirie pour une "objectivite" en hermeneutique litteraire, les methodologies proposees par Ricoeur et par Jauss ne rendent pas justice aux modes d'etre de l'oeuvre et de l'experience litteraires. Ce sont d'abord les etudes du phenomenologue Ingarden sur le statut ontologique de l'oeuvre d'art litteraire qui etablissent de facon convaincante la correlation entre l'oeuvre et l'experience, et ce a partir des notions de Gebilde et de concretisation . C'est finalement dans l'hermeneutique philosophique de Gadamer que la Poetique d'Aristote et les etudes d'Ingarden trouvent une resonnance et un achevement certains. Gadamer fait ressortir et prevaloir la correlation intime entre structuration et representation, entre representation et comprehension, entre comprehension et experience. Cette reflexion d'ordre "philosophique" sur l'experience de l'oeuvre d'art litteraire s'inscrit dans une perspective litteraire. Elle repose plus particulierement sur une analyse de l'oeuvre L'Enfer ou la representation de l'experience de la mort est emblematique de l'experience litteraire