Abstract
Dans le présent article l'auteur fait une tentative prudente pour préciser le caractère propre de la philosophie juive. Il défend l'opinion que, jusqu'à présent, ce ne fût fait que d'une manière inadéquate -si l'on peut dire qu'il en ait été question. L'article part d'une conscience du temps spécifiquement juive. À l'aide de citations prises de l' uvre de Hermann Cohen l'auteur donne une explication plus détaillée de la manière dont le prince de l'École de Marbourg s'est arraché à la prise de son panmethodisme logique en se rendant de plus en plus compte de son identité juive. Ce qui l'a mené à une conception messianique de la relation temps-éternité, dont le juif Cohen se savait à la fois signe et gage : 'Denn wir sind ewig'. Ensuite l'auteur considère ce que cette vision signifie pour l'interprétation de l'histoire juive. Ainsi il s'arrête à la notion de ' diaspora' (= Galuth, dispersement, exil). L'auteur a essayé d'expliquer comment la division en périodes de l'histoire s'est accomplie. Reste pourtant décisive l'interprétation messianique de la relation temps éternité comme celle-ci se manifeste dans l'Alliance de Jahweh et de Son peuple et comme elle a été fixée dans le Tenach et le Talmud tel un accompagnement permanent de la situation diasporique dans des époques et des espaces différentes. Cependant il se trouve qu'on a fait des objections, également du côté juif, à une pareille interprétation surtout religieuse. L'auteur l'explique par quelques citations de Karl Marx et de Sigmund Freud et reconnaît que ces auteurs signalent le besoin d'une interprétation du phénomène juif se fondant sur un point de vue réaliste et terrestre. Après avoir constaté formellement que pour une interprétation satisfaisante il ne peut pas être question d'un critère raciste, l'auteur s'efforce de démontrer qu'une conception talmudique de la question 'Qui est Juif ?', notamment dans la situation diasporique, peut être considérée comme la plus adéquate. C'est que cette conception réunit des éléments religieux, biologiques et ethniques. Comme annexe une petite partie du traité 'Kiddushin' a été ajoutée. Partant de ces données l'auteur a passé au problème de la philosophie juive et il explique pourquoi il a choisi cette formule. L'auteur de cet article reconnaît comme non-Juif sans réserve qu'il est impossible de suivre la voie de beaucoup de philosophes juifs quand, dans leurs réflexions philosophiques, ils supposent un motif aussi unique qu'il devient inaccessible aux autres. Cela ne peut, ne doit pas être une raison pour ne pas prêter l'oreille. Tout en admettant qu'il sera impossible de jamais conformer ' Athènes' à ' Jérusalem', l'auteur avance comme son opinion qu'on doit être disposé à accepter le correctif permanent que nous impose le problème de la philosophie juive. En peu de mots l'auteur indique ce que cela peut et doit signifier pour un non-Juif. D'abord une résignation 'm metaphysicis', puis reconnaissance de la signification de la primauté de l'éthique et enfin le refus de toute forme de totalisation politique. L'article se termine par une poésie de Juda Hallévi pourvue du commentaire du traducteur Franz Rosenzweig. Cette citation veut être à la fois un résumé et une invitation à entamer et/ou continuer la conversation sur le problème de la philosophie juive