Dialogue 42 (3):609-611 (
2003)
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Abstract
Les travaux de Hans Jonas demeurent largement méconnus de la francophonie. Le peu d’entrain dont témoigne la communauté philosophique à traduire les textes de Jonas s’explique en grande partie par le caractère éclaté de son œuvre dans laquelle on chercherait en vain un ouvrage fondateur ou un livre qui rassemblerait ses principales positions philosophiques. Héritière de la phénoménologie, l’œuvre jonasienne est multiforme et en constant devenir. Elle ne s’arrête sur aucune vérité définitive en abordant de façon toujours maîtrisée des champs du savoir aussi variés que ceux de la mythologie, de la biologie et de l’éthique. Dans son ouvrage issu d’une thèse de doctorat, Nathalie Frogneux relève avec brio le défi qui consiste à découvrir le sens général d’une pensée complexe dont l’itinéraire semble dominé par la discontinuité. Frogneux parvient pourtant à mettre au jour l’unité de la pensée jonasienne qu’elle situe dans le régime d’une double critique: une critique du «dualisme occidental» où l’homme et le monde naturel deviennent étrangers l’un à l’autre, et une critique du monisme philosophique qui en vient à ne plus reconnaître aucune liberté au vivant. Comme le souligne Jean Greisch dans la préface, il s’agit de la première interprétation systématique de la pensée de Jonas dont la production philosophique s’étend sur près de soixanteannées. La longévité et la productivité de Jonas ont d’ailleurs donné lieu à cette anecdote rapportée par Frogneux où un étudiant demandait à Paul Ricœur s’il y avait un lien de parenté entre le Jonas des années 1930 intéressé par le gnosticisme de l’Antiquité tardive et celui de la notion de responsabilité des années 1980. Il s’agissait bien sûr du même homme.