Abstract

L'importance grandissante accordée aux concepts de temps et d'histoire constitue vraisemblablement l'événement majeur de l'histoire de la philosophie depuis Hegel. Pensons à Hegel, Marx, Bergson, Lavelle, Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty. Chez tous ces auteurs le temps humain qui est constitutif d'histoire, ne représente pas simplement un des thèmes principaux du discours philosophique, il est comme le repère central de la pensée, le fondement transcendantal de toute compréhension humaine, le berceau du sens et de la vérité. C'est par lui et en lui que nous avons accès à l'être et c'est pourquoi il fonde la possibilité d'une doctrine de l'être en tant qu'être. Chez certains auteurs le temps s'identifie avec l'Absolu lui-même. Chez tous le thème du temps passe de la cosmologie à la métaphysique. Plus important que la simple constatation de ce fait, est la compréhension du sens de ce fait. Pour l'ontologie classique il y a là un paradoxe voire un scandale. Comment la temporalité, qui semble synonyme d'inconsistance et de fugacité, peut-elle fonder l'ontologie avec son souci de vérité universelle et nécessaire ? Il faut remarquer tout d'abord que chez les modernes « temporalité » n'est pas synonyme de « fugacité » . Il est d'ailleurs important de noter qu'en philosophie le terme « temps » est un terme analogique. Le temps Bergsonien n'est pas le temps d'Aristote, ni le temps heideggerien. L'histoire de la philosophie connaît des concepts multiples du temps : tous ne sont pas également primaires. Ainsi la définition aristotélicienne du temps : « numerus motus secundum prius et posterius » est un concept dérivé, fort éloigné de l'expérience originaire du temps. On peut en dire autant du temps de la psychologie empiriste , du temps de la mécanique classique, du concept kantien voire du concept bergsonien du temps. C'est le grand mérite de la philosophie phénoménologique d'avoir fait un effort grandiose pour retrouver et décrire l'expérience originaire du temps. Or le temps humain n'est pas d'abord une succession de moments homogènes, divisibles en trois tranches : le passé, le présent et l'avenir. Il est originairement une expérience de présence : « lebendig strömende Gegenwart » . Il est même l'unique mode de présence réelle que nous connaissons : présence finie, c'est-à-dire tension dialectique de présence et d'absence, dans laquelle la négativité de l'absence est co-constitutif de la positivité de la présence. Cette expérience originaire de présence, qui fonde notre possibilité de rencontrer l'étant comme tel, est un paradoxe d'ouverture à priori et d'engagement dans une situation déterminée. « Etre » pour l'homme signifie être capable d'entrer dans l'orbite existentielle humaine, répondre aux exigences à priori de l'expérience originaire de présence qui définit l'existence humaine comme être-au-monde-dans-Ãintersubjectivit é. S'il en est ainsi, rien d'étonnant à ce que l'analyse du temps soit d'une importance immense pour l'élaboration d'une métaphysique, entendue comme « ontothéologie » , c'est-à-dire dune part comme doctrine à priori des attributs qui conviennent à tout être en tant qu'être et d'autre part comme science de l'Etre suprême et absolu