Abstract
RésuméL'idée d'un “monde des images” situé quelque part entre les mondes immatériel et matériel est un pivot de la spéculation eschatologique dans l'Islam médiéval tardif. Comme cela a déjà été reconnu, le concept a été inauguré par al-Suhrawardī. Cependant, ses fondements plus proprement philosophiques et en particulier la notion d'images “suspendues” – des images dotées d'un statut en quelque manière objectif plutôt que purement mental ou subjectif – méritent d’être davantage clarifiés; et c'est ce que cet article entend faire. Puisque le concept de “formes suspendues”, tout en étant appliqué par al-Suhrawardī à des questions eschatologiques dans le dernier traité de sa Philosophie de l'illumination, apparaît pour la première fois dans une discussion sur la vision spéculaire, j'examine assez en détail la conception avicennienne de la vision spéculaire telle qu'elle est présentée dans le Shifāʾ, ouvrage contre lequel al-Suhrawardī réagit. J'entreprends ensuite une reconstruction détaillée de deux paragraphes de la Philosophie de l'illumination en accordant une attention particulière à la question du statut ontologique des images “suspendues” ou “auto-subsistantes” ainsi qu’à l'idée selon laquelle les miroirs servent non pas de lieux dans lesquels les images résideraient, mais de lieux où elles deviennent manifestes.