Déconstruction et littérature ('Glas,' un guide de lecture)
Abstract
La lecture que propose Derrida de Genet, dans Glas, est un exemple particulièrement intéressant de la méthode déconstructive en matière d’interprétation des textes littéraires. Venant à peine plus de vingt ans après le Saint Genet, comédien et martyr de Sartre, le texte de Derrida ne pouvait manquer en effet d’entrer en rivalité avec celui du grand auteur encore vivant à l’époque. Et de fait, Derrida, non seulement ne manque aucune occasion, dans Glas, de souligner les insuffisances et les défauts qu’il relève chez Sartre, mais se trouve en outre conduit, par la nécessité de cette opposition, à caractériser sa propre méthode aussi nettement que possible, jusqu’à souligner, voire accuser, les traits de son projet de lecture. De là, malgré la complication voulue (et parfois indémêlable) du texte, la grande clarté doctrinaire de Glas, et, pour peu qu’on ait la patience de le lire, son fréquent aspect de « manifeste » ou de « défense et illustration » de la déconstruction en littérature. Bien loin de contresigner le pacte d’illisibilité que nous proposerait Glas, je me propose donc, dans les pages qui suivent, d’exposer aussi clairement que possible, en elle-même et par différence d’avec celle de Sartre principalement, cette lecture derridienne de Genet : ses principes, ses résultats, son originalité, mais aussi, comme nous le verrons, certaines ressemblances parfois inattendues avec sa rivale, tenant sans doute (telle sera du moins mon hypothèse finale) à la difficulté même de définir au fond l’intérêt qu’une philosophie (en tant que telle) peut trouver à se confronter à une œuvre littéraire (en tant que telle)…