Abstract
Cet article explore plusieurs moutures de la philosophie historique de Nietzsche, depuis ses réflexions d’adolescent, où les réflexions génétiques sont encore inscrites dans une méditation d’ordre éthico-théologique, à la généalogie proprement dite, où l’étude de la provenance des valeurs prétend congédier toutes les autres formes d’histoire de la morale, que ce soit la microhistoire psychologique des moralistes français (La Rochefoucauld), l’histoire conjecturale des utilitaristes (Mandeville) ou l’histoire évolutionniste qui déduit la morale de l’adaptation (Spencer). Ainsi, en vertu de l’activité d’autodépassement perpétuel et d’antagonisme incessant qui caractérise la volonté de puissance, Nietzsche s’emploie à faire la critique des autres formes de philosophies de l’histoire pour imposer sa « morphologie de la volonté de puissance », et il s’efforce en outre, tout au long de son propre itinéraire intellectuel, de lutter aussi contre lui-même, dans la mesure où les alliances qu’il avait contractées auparavant le retenaient d’être pleinement original.