Clio 44:253-263 (
2016)
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Abstract
En janvier 2016, le gouvernement israélien présentait un projet d’aménagement d’un espace cultuel où hommes et femmes juifs pourraient prier ensemble dans une zone excentrée du Mur des Lamentations, zone non régie par les autorités orthodoxes. Ce « compromis » du Mur censé mettre fin au long combat d’un groupe de féministes juives religieuses désireuses de pouvoir prier publiquement au Mur (les Femmes du Mur), permettait également de reconnaître territorialement et symboliquement l’existence et l’influence d’un judaïsme libéral en quête d’affirmation dans le pays. Ce sont en effet les autorités juives orthodoxes qui sont en charge, depuis la création de l’État et surtout depuis la conquête de Jérusalem, en 1967, de l’administration du Mur et de sa partition genrée. Dans cet espace réaménagé comme une synagogue orthodoxe, femmes et hommes ne prient pas ensemble (installation et construction d’une Mehitza) et la prière des femmes est reléguée à une prière privée, seuls les hommes étant habilités à conduire une prière publique. L’examen et la confrontation d’une photographie des années 1880 et d’un texte des renseignements français de 1928, permettent de comprendre comment une géographie genrée du Mur s’est patiemment construite le long de lignes aux enjeux clairement nationalistes et politiques. L’installation et la construction de frontières entre les sexes renvoient dans ce haut lieu religieux et nationaliste à la question des frontières au sens large et, par là même, à la question du conflit israélo-palestinien.