Abstract
Les analyses des parcours de vie s’intéressent surtout au repérage des régularités du cycle de vie ou, tout au plus, aux écarts aux modèles types, en termes de retard des événements ou d’allongement des transitions sur les calendriers scolaires, professionnels, résidentiels ou familiaux. Les études empiriques suggèrent pourtant la présence de dynamiques non linéaires évoquant la possibilité que les parcours comportent des « bifurcations » où tout peut être remis en question, pouvant entraîner des changements durables de situation. Ce phénomène est plus souvent interprété en référence à la capacité des individus de faire leurs propres choix qu’en fonction de l’influence possible des cadres institutionnels. L’étude de parcours scolaires et professionnels de jeunes Québécois dans les années 1990 constitue la base de cette réflexion sur la place des bifurcations dans les parcours de vie qui met l’accent sur le rôle des dispositifs institutionnels dans la création d’une flexibilité des structures, sur les phénomènes d’appropriation par les individus des opportunités offertes par cette flexibilité et sur le mouvement des réversibilités et irréversibilités construites à travers ce processus. L’analyse suggère que les individus peuvent s’engager dans des actions en évaluant les possibilités offertes par les institutions qui encadrent la vie sociale, qu’ils sont capables de percevoir les irréversibilités associées aux choix offerts et ainsi, de les prévenir, les exploiter ou s’y adapter. La croissance du nombre de personnes adoptant les mêmes comportements dans une situation donnée accroît ainsi la possibilité que ce choix se transforme en une convention sociale et que les bifurcations s’institutionnalisent.Life course analyses are mainly interested in identifying regularities in the life cycle or, at most, in deviations from typical patterns in terms of a postponing of events or of transitions within educational, career, residential or family trajectories. However, empirical studies point to the existence of non-linear dynamics and suggest the possibility that life paths may also include « bifurcations », where everything is placed in question, and that may lead to lasting changes in situations. This phenomenon is more often interpreted in reference to the individual’s capacity to make personal choices rather than in terms of the potential influence of institutional frameworks. This study is based on an analysis of the educational and career trajectories of Québec youth during the 1990s : it looks at the role of bifurcations in the life course, in emphasizing how institutional arrangements may help to create a flexibility of structures, and explores the phenomena of individuals seizing the opportunities offered by this flexibility. The study suggests that individuals may undertake actions after evaluating the opportunities presented by social institutions, and that they are able to grasp the irreversibility of certain choices and anticipate them, use them to their advantage or adjust their actions accordingly. An increase in the number of persons adopting the same behaviours in a given situation thus also increases the possibility that such a choice may evolve into a social convention and that these bifurcations may become institutionalized