Husserl et la no ready-made theory : la phénoménologie dans la tradition constructiviste
Abstract
Dans l?histoire récente de l?art, l?idée du ready-made fut un artifice assez efficace pour montrer que n?importe quel objet déjà manufacturé pouvait être érigé en ?uvre d?art, pourvu qu?on le conçoive et le nomme comme telle. C?était en somme délibérément minimiser toutes les qualités imparties à la matérialité d?un objet d?art pour mieux laisser apparaître la conceptualisation dont procède sa genèse. Je soutiens pour ma part que, dans l?histoire de la philosophie, la théorie du ready-made a en quelque sorte toujours fonctionné en sens inverse : majorant la matérialité du donné, elle n?a contribué qu?à forclore sa constitution conceptuelle. Ce qu?il faut entendre par théorie du ready-made en philosophie me semble être une assez bonne façon de traduire le réalisme ontologique : c?est l?idée selon laquelle les objets et le monde en général nous seraient donnés tout faits, c?est identiquement l?idée que leur constitution serait naturelle au sens où c?est la nature qui, indépendamment de nous, aurait fait les chiens, les chats, la lune, le soleil, les ondes et les électrons. Cette conception que Putnam a appelé celle d? « un monde tout fait » ( a ready made world ) 1 est un mythe et il s?agit d?un mythe d?autant plus tenace qu?il tire ses origines du sens commun et de sa propre « physique » spontanée. Que le sens commun se nourrisse constamment du mythe d?un donné tout