Abstract
Pointe extrême de la métaphore, l'oxymore postule, dans le théâtre claudélien, une altérité essentielle entre l'Amant et l'Amante, entre Dieu et sa créature, altérité que ne contredirait pas cependant l'identité existentielle: l'Incarnation. Prouhèze déploie sous nos yeux la bannière divine dont le signe est, comme dans les versets de Raymond Lulle, “un homme mort”. Si la corde de l'amour est tissée à coups de languissements de soupirs et de pleurs par le poète-dramaturge, la Croix est symétriquement désignée dans ses drames comme l'Arbre de Vie.Un personnage aussi étrange — car bien peu théâtral — que l'Ombre Double duSoulier de Satin résume ce paradoxe dans la mesure où la représentation qu'elle offre de la tension amoureuse crée un lien insécable entre la Terre et l'Ailleurs; l'Ombre Double témoigne de ce que l'Amant et l'Amante comme Dieu et sa créature peuvent concorder dans la béatitude sans pour autant fusionner. Autrement dit, selon Claudel, que l'homme soit à l'image de Dieu ne suffit pas à sa foi, encore faut-il qu'il ne cesse de manifester sa ressemblance à Dieu. Seule, la “métaphore vive”, c'est-à-dire la métaphore ayant gardé en mémoire les paradoxes et les tensions de l'oxymore, respecterait le mystère d'une relation où la présence croît a proportion de l'absence et fonderait cette parole sacrée et compensatoire d'une resseblance mille fois déjouée