Abstract
En 1810, Gall et Spurzheim posent le diagnostic suivant : la piètre connaissance du substrat cérébral des facultés mentales doit être imputée à la longue inféodation de l’anatomie par la métaphysique. Dans le présent article, nous interrogeons un tel jugement historique à partir du Discours sur l’anatomie du cerveau de Niels Steensen. La présentation des « systèmes » de localisation cérébrale que Steensen critique (celui des « Anciens », celui de Thomas Willis et celui de Descartes) nous permettra d’abord de brosser un tableau des différentes conceptions possibles du « siège de l’âme » au XVIIe siècle. Nous montrerons ensuite comment, dans ces trois cas de figure, la mise en correspondance d’une anatomie neurocérébrale lacunaire et d’une topique des grandes facultés mentales conduit à postuler que telle ou telle partie cérébrale est le siège de la mémoire, celui de l’imagination ou encore celui du sens commun. Enfin, nous montrerons que c’est au nom de la science anatomique, restreinte à ce qui peut être attesté par des témoins oculaires, que Steensen a écarté le principe même des localisations cérébrales.