Abstract
Les critiques que Plotin adresse à l’épistémologie stoïcienne visent à établir que les stoïciens ont tort de corporaliser l’âme, car cela leur interdit de concevoir correctement les perceptions sensibles et les intellections. On peut penser qu’il n’y a rien d’intéressant à attendre, philosophiquement, de cette polémique menée par un partisan de l’incorporéité de l’âme contre les matérialistes de l’ἡγεμονικόν. Car l’opposition des principes respectifs est telle que l’adversaire peut ne pas s’estimer réfuté parce qu’il ne partage aucune des prémisses de son objecteur. Il semble que Plotin a eu conscience de ce problème, et qu’il a cherché à formuler des objections contre le corporalisme stoïcien telles qu’elles ne le prennent pas pour cible immédiate tout en l’atteignant indirectement par leurs implications. Mon propos est d’examiner cette démarche sur deux cas exemplaires : la critique de l’explication stoïcienne de la sensation par une transmission ; et celle de l’analyse de la connaissance en termes de réception d’empreintes.