Abstract
Selon Chestov, la connaissance est incompatible avec la liberté, qui ne peut être trouvée que grâce à la foi, parce qu’elle établit ses vérités en vertu des principes de nécessité et d’universalité. En fait, le péché originel résiderait dans le désir de connaître, où non seulement la connaissance scientifique est visée, mais aussi la connaissance de la vie quotidienne. La chute s’exprime bibliquement comme un désir de connaître le bien et le mal. Or il semble bien, au contraire, que le domaine de la dimension morale ne devrait pas être au-delà du bien et du mal, ainsi que le suggère Chestov, mais au-delà de la rationalité. Contraster la foi et la raison aussi fortement que le fait Chestov ne peut que conduire à un concept schizophrénique de l’être humain, selon lequel ce dernier posséderait deux facultés irréconciliables, voire hostiles l’une envers l’autre. On peut penser que l’image de Jérusalem et d’Athènes devrait être remplacée par celle de St. Paul et de Minneapolis aux États-Unis : deux cités différentes, à la fois très proches l’une de l’autre et qui ne sont pas dans une relation hostile, mais coopèrent au sein d’une entente amicale. De plus, Chestov privilégie une expression très irrationnelle de la liberté, et ne fait guère face aux conséquences pratiques d’un tel point de vue dans la vie sociale.