Émotion et réalité chez Sartre: Remarques à propos d?une anthropologie philosophique originale
Abstract
L? Esquisse d?une théorie des émotions est traduite en anglais une première fois en 1948 1 . Elle le sera une seconde fois en 1962. Ces traductions ont suscité de nombreux comptes rendus et ont donné lieu depuis lors à de nombreuses lectures du petit livre de Sartre, alors que l?ouvrage a longtemps été négligé par les travaux de langue française 2 . En 1950, deux articles de grande qualité scellent cet intérêt anglo-saxon pour l??uvre de Sartre en général, et pour l? Esquisse d?une théorie des émotions en particulier, dans cette période d?immédiat après-guerre. Le premier est écrit par Günther Stern, le second par Frederik Jacobus Johannes Buytendijk 3 . Ils adressent des questions fondamentales au livre de Sartre, à propos du rapport de l?émotion à la réalité d?une part, du rapport de l?émotion au langage de l?autre. L?émotion chez Sartre semble en effet se définir comme une façon de fuir la réalité, devenue trop difficile . C?est ce que semble indiquer la définition de l?émotion comme conscience magique. L?émotion serait ainsi, pour Sartre, la manière dont la conscience tenue en échec, mise en impasse, prétend agir directement, sans médiation, sur le monde. Dans le cadre de cet article, je me limiterai à une discussion du premier article, qui adressait déjà, sans que les commentaires suivants aient pu égaler son acuité, les questions fondamentales. Dans un premier temps, je rappellerai de