Abstract
Le siècle qui approche sera-t-il placé sous le signe de Comte à la façon dont celui qui s’achève aura été placé sous le signe de Marx? Il y a de bonnes raisons d’en douter: outre qu’il n’y a pas lieu de souhaiter au positivisme un «triomphe» analogue à celui du communisme, il serait surprenant qu’un auteur qui a commencé sa carrière en déclarant que «l’erreur des peuples est beaucoup plus difficile à déraciner que celle des rois» devienne du jour au lendemain populaire. Divers indices donnent toutefois à penser que le fondateur de la sociologie serait sur le point de sortir du long purgatoire auquel nos contemporains l’avaient condamné. Le fait est qu’on pouvait difficilement aller plus loin dans l’injustice. La langue elle-même en porte témoignage, puisque «positiviste» en est presque venu à signifier scientiste, matérialiste, soit le contraire de ce pour quoi le mot avait été forgé. Il y a gros à parier que la majorité de nos compatriotes ignore tout simplement que la politique a dominé l’œuvre de celui qui déclarait à l’âge de vingt-quatre ans: «Les savants doivent aujourd’hui élever la politique au rang des sciences d’observation. Tel est le point de vue culminant et définitif auquel il faut se placer».