Abstract
« La médecine reste en quête d’une épistémologie propre, car l’opposition entre science des maladies et art de soigner ne parvient pas à rendre compte de l’unité d’une pratique. Cette épistémologie peut être dégagée en ressaisissant ce qui se produit dans la clinique, véritable laboratoire de la médecine : lieu de son effectuation et lieu de son élaboration, où l’expérience vécue et l’expérience acquise fournissent les coordonnées d’une expérimentation. La clinique a un point de départ : la demande d’un malade en proie à une intrication symptomatique maladive qui convoque le corps mais aussi le langage, et dont le médecin fait cas. La complexion symptomatique fait l’objet d’une analyse critique (diagnostic) qui débouche sur la détermination d’une thérapie. La clinique est alors une technique productive de remédiations diverses qui mobilise un ensemble hétéroclite de savoirs et de facultés pour trouver des solutions aux problèmes concrets des individus qui s’adressent à elle. Quand bien même la clinique importe pour son usage des biotechnologies et des algorithmes, elle reste incertaine et conjecturale car individuée. Si bien qu’en son cœur, la pratique médicale garde des allures infra-techniques, mobilisant des esthésies, une praxis, une sagacité pratique. Cette hétérogénéité épistémologique est la seule qui soit adéquate à son objet. »