Abstract
Le point de départ de cette étude est l'hypothèse que, dans l'antiquité, la philosophie de la nature n'a pas un caractère purement scientifique, mais qu'il y s'agit d'un symbolisme sécularisé. Dans cette hypothèse la déclinaison de l'atome dont il est parlé chez Epicure et surtout chez Lucrèce, n'est pas un phénomène physique, mais plutôt une manière de visualiser le principe de la liberté humaine au milieu de la détermination rigoureuse dans les processus physiques. Pour Epicure et son élève Lucrèce cette déclination (enklisis, clinamen) est d'une importance extraordinaire. La collision des atomes, provoquée par leur déclinaison n'a pas seulement une fonction cosmogonique ; elle est en même temps un modèle herméneutique. Karl Marx, lui aussi, dans sa dissertation sur les différences entre la philosophie de Démocrite et celle d'Epicure, a traité le clinamen de l'atome comme un principe et une germe de la liberté. Il est „l'âme de l'atome”. L'atome, selon l'interprétation de Marx, en tombant dans le vide, perdrait son caractère propre s'il tomberait toujours en ligne droite. En tombant il doit réaliser la négation de cette ligne qui à son tour est la négation du point : la déviation à l'égard de la ligne droit est elle-même cette négation. Ainsi dans ce théorème intéressant, ridiculisé par Cicerón et beaucoup d'autres, on peut voir une tentative de philosophie symbolique de l'existence concrète (concrescere) comme une agglomération d'éléments divers dans un nœud inexplicable. Le symbole (sumballein) est une conjonction de ce qui fait ensemble une totalité concrète. Le symbolisme du nœud, centre d'une existence mystérieuse, a une signification essentielle dans les religions archaïques. „L'homme reconnaît dans ce complexe une sorte d'archétype de sa propre situation dans le monde”. (M. Eliade) II me semble que le théorème d'Epicure est, en termes pseudo-physiques et sur une échelle atomique, l'expression de cette conscience