Abstract
La distinction entre ce qui est rationnel et ce qui ne l’est pas, si structurante pour la fin de l’Antiquité et le Moyen Âge, empêche-t-elle de concevoir une condition animale commune aux bêtes et aux hommes, et surtout la possibilité d’une entente et d’une intelligence entre eux? Cet article montre que cette distinction agit comme un obstacle épistémologique dans la cosmologie et l’anthropologie du cistercien Guillaume de Saint-Thierry, pour qui la raison constitue à la fois le sommet de la vie animée et la faculté qui met irrémédiablement l’homme à part. C’est sous la pression d’une expérience, celle de François d’Assise, que cette distinction, sans jamais être annulée, se trouve suspendue chez les auteurs franciscains qui méditent sur la vie du Poverello : « comme si elles avaient par à la raison », les bêtes forment avec François d’Assise une communauté de créatures qui se comprennent grâce à une intelligence plus vaste que la rationalité humaine.