Abstract
Selon une lecture classique, la théorie benthamienne de la démocratie est fondée sur le principe du principe selon lequel l’agrégation des suffrages individuels reflète l’intérêt public. C’est pourquoi les commentateurs ont en général porté leur attention sur la façon dont le vote réalise l’agrégation des intérêts individuels plutôt que sur les délibérations publiques qui précèdent le vote. Récemment, Peter Niesen et Oren Ben-Dor ont pourtant étudié les processus de délibération collective chez Bentham. Cet article pointe des difficultés avec ces deux approches. D’une part, en s’appuyant principalement sur la Tactique des Assemblées législatives, P. Niesen limite la portée de sa démonstration. L’analyse originale d’O. Ben-Dor prend en compte les écrits de Bentham sur la persuasion et les pressions exercées par la communauté sur les individus pour montrer comment se constitue un « consensus utilitariste » dans une société politique donnée. Pourtant, il néglige le fait que Bentham ne parle jamais de « consensus », et que cette idée même est contraire à ses idéaux démocratiques. En effet, Bentham dénonce à plusieurs reprises l’influence manipulatrice exercée par les élites et cherche à en briser les mécanismes. Faut-il faire de Bentham l’un des penseurs de la délibération publique, au risque d’occulter des aspects importants de sa théorie démocratique?