Abstract
Le langage, la signification, la référence ont fait l’objet d’une grande attention au Moyen Âge, de la part des spécialistes des arts du langage. Pourtant, ils n’ont quasiment pas lu Augustin. Les théologiens, par contre, ont tiré grand profit des analyses augustiniennes. Henri de Gand a lu le De dialectica, en articulant autour de ce petit traité les autres textes d’Augustin portant sur le langage et les signes, afin d’élaborer une théorie du « langage vocal », préliminaire à toute réflexion sur les noms divins, l’ineffabilité, l’analogie ou la propriété des noms. Ces textes forment également le socle des analyses élaborées par les théologiens sur le « parler des anges ». Par ailleurs, les chapitres sur les signes sacramentels doivent à la pensée augustinienne une analyse du signe, tirée du De doctrina christiana. Les théologiens insistent sur le caractère doublement relationnel du signe : signe de quelque chose, signe pour quelqu’un. Le caractère intentionnel de la prononciation de la formule du baptême ou du mariage est traité à partir des opuscules consacrés au mensonge ( De mendacio, Contra mendacium ). L’analyse de la causalité sacramentelle, et particulièrement celle de la causalité conventionnelle fondée sur le pacte, se construit sur la notion augustinienne de consensus, repensée dans le cadre d’une réflexion sur les signes magiques par Guillaume d’Auvergne, mais également sur la théorie de la relation telle qu’elle est élaborée dans le De Trinitate. Roger Bacon, qui fut maître ès arts avant de devenir franciscain, saura lire ces analyses des théologiens, et, en articulant les sources augustiniennes avec les sources logico-grammaticales utilisées par les Artistae, produire une théorie générale des signes.