Abstract
L’optimum constitue un lieu théorique où convergent, au XVIIIe siècle, les trois concepts de naturel, de rationnel et d’utile. Dans cet article, il s’agit de montrer que différents discours utopiques des Lumières françaises se caractérisent par leurs manières distinctes d’articuler ces concepts. En prenant pour illustrer notre propos les utopies de Morelly et de Grivel, nous montrons que ces articulations distinctes permettent de rendre compte des tensions qui travaillent la pensée des Lumières, tout particulièrement en ce qui a trait à la question du « progrès ». Le progrès est ce par quoi l’optimum est censé se réaliser dans l’histoire, et l’utopie une prétendue préfiguration de cette réalisation et l’énonciation des moyens de son actualisation. Dans cette mesure, c’est évidemment dans le problème de son caractère nécessaire, contingent ou impossible, et du rôle qu’y joue l’agentivité humaine que se pense à nouveaux frais la question du meilleur des mondes possibles. On verra, pour finir, que le discours utopique des Lumières n’est pas aussi empreint de l’optimisme que l’on a tendance à lui prêter.