Abstract
La linguistique arabe est sans aucun doute la première science conçue et cultivée en arabe pour répondre à certains besoins scientifiques et idéologiques de la nouvelle société islamique. Les premiers travaux en ce domaine datent du VIII e siècle, et leurs auteurs, les premiers linguistes, sont précisément contemporains de l'arabisation des institutions, de l'administration, de la monnaie etc., sous le Khalife Omeyade ʿAbd al-Malik ibn Marwān. Ces premiers travaux étaient intimement liés à l'exégèse coranique, à l'orthoépie coranique, à la jurisprudence islamique, c'est-à-dire aux disciplines associées à l'organisation de la nouvelle société et à sa culture. C'est à cette époque qu'Abū al-Aswad al-Duʾalī inventa des signes graphiques permettant de distinguer les différentes fonctions grammaticales des éléments linguistiques. C'est à la même époque que l'on a engagé la codification massive et systématique des données de l'arabe, comme en témoignent, à peine plus tard, les travaux d'ʿAbdallāh ibn Isḥāq , d'Abū ʿAmr ibn al-ʿAlāʾ et de bien d'autres. Ils ont également initié l'étude de la grammaire au sens large, puisque celle du système phonétique y est incluse. Tous ces travaux ont tracé la voie de plusieurs disciplines: phonologie, phonétique, métrique, lexicographie, et favorisé la naissance des grandes théories du langage. Et, de fait, au cours de la seconde moitié du VIII e siècle, al-Khalīl ibn Aḥmad a fondé plusieurs de ces disciplines. Sa connaissance des mathématiques et son recours aux procédés combinatoires l'ont aidé non seulement à inventer des disciplines telles que la métrique et la lexicographie, mais aussi à formuler les catégories grammaticales. Son élève, l'éminent linguiste Sībawayh, a ensuite codifié la plupart des analyses et des explications d'al-Khalīl, et les a enrichies en maintes occasions. Cette période héroïque de la linguistique arabe s'est prolongée grâce à de grands successeurs qui vont fonder des écoles linguistiques à Bassorah, Kufa, Bagdad, etc. D'autres écoles ont également vu le jour à Fuṣṭāṭ et ailleurs, et la recherche linguistique va ainsi se poursuivre jusqu'à la fin du XI e siècle, au moins