Abstract
Nous formulons et illustrons l’hypothèse que les sites de réseaux socionumériques constituent un mécanisme emblématique de la « société de contrôle » prophétisée par Gilles Deleuze. Au centre de ce dispositif, se retrouve en effet un double mouvement contradictoire : d’une part, le processus de captation capitalistique des informations déposées par les usagers contributeurs − nous pourrions décrire ce premier mouvement comme étant celui d’une surveillance institutionnelle se réalisant par le contrôle centralisé de l’information ; d’autre part, et de manière surprenante, l’on constate un consentement − voire même parfois, un désir − exprimée par de nombreux usagers d’exposer publiquement des informations et des images concernant leur vie personnelle, et cela malgré les risques qui se rattachent à de telles opérations de dévoilement. Ce second mouvement apparaît être le mécanisme central du processus d’intériorisation douce du contrôle social par des usagers pratiquant une forme de « servitude volontaire » rattachée aux besoins du capitalisme informationnel, c’est-à-dire un système dont la production de la valeur économique est fondée sur l’agrégation en bases de données gigantesques et monétisables, des informations déposées sur les sites selon une logique du grand nombre .The hypothesis we put forward and illustrate in this article is that social networking sites have become a mechanism which is emblematic of the “society of control” prophesied by Gilles Deleuze. At its hub are two conflicting movements: one is a capitalistic process of capturing information posted by contributing users, which might be seen as a tendency towards institutional surveillance through centralised data control. The other is the somewhat surprising consent of many users – and even their active desire – for public disclosure of information and images on their private lives, despite the ethical and professional risks attached to these practices of self-disclosure. This second movement seems to be a central mechanism that governs a process of painless internalisation of social control by users, as they consent to a kind of voluntary enslavement to the needs of information capitalism, in other words to a system where the production of economic value is based on aggregating, or “crowdsourcing”, often minuscule items of information into gigantic databases capable of generating money